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Saint-Erme

Saint-Erme

Pontife Abbé et érudit
(vers 665 – 737)

 
I. Cadre historique
Le monde franc de 650 à la mort de Saint Erme : la dynastie carolingienne est sur le point de chasser le dynastie mérovingienne décadente.
A cette époque, les Mérovingiens régnaient sur la Gaule. Cependant, l’administration de leurs Etats était assurée par leurs anciens intendants devenus, au cours des temps, leurs «premiers ministres», les «Maires du palais». Tenus à l’écart des affaires, ils étaient devenus si oisifs qu’on les appela par la suite : «les Rois Fainéants». (Ce qualificatif était justifié après la mort de Dagobert, dernier grand monarque mort en 639). Une coutume détestable voulait qu’à la mort du Roi ses Etats fussent partagés entre ses fils, eux-mêmes «Reges Francorum».
Chaque succession donnait lieu à des guerres entre les héritiers ; chacun cherchait à reconstituer l’ancien royaume à son profit.
De ces partages résultèrent, suivant les époques, de deux à quatre Etats dont les deux principaux furent la Neustrie et l’Austrasie : La Neustrie couvrait un territoire allant, suivant un axe Nord-Sud, de l’Ile-de-France à l’Aquitaine. L’Austrasie s’étendait, d’Est en Ouest, de la Picardie au Rhin. La surface de chacun de ces deux royaumes représentait un tiers de celle de la France actuelle.Les principaux lieux de cette histoire se situent an Austrasie. Ainsi Herly, village natal de Saint Erme, qui porte aujourd’hui son nom, se trouvait dans ce royaume et dépendait de l’administration des
Maires du Palais d’Austrasie, les célèbres «Pépin».
La rivalité entre Neustrie et Austrasie tourne à l’avantage de l’Austrasie des «Pépin».
Dans ce royaume, deux propriétaires possédaient des domaines dont la surface correspondait à la Belgique, la Lorraine et le Palatinat d’aujourd’hui. L’un s’appelait Pépin de Landen, l’autre, l’évêque Arnould de Metz. En mariant leurs enfants, ils réunirent leurs terres. L’enfant de cette union, Pépin d’Héristal, héritait de cette province immense. Pépin de Landen alliait puissance et pouvoir puisqu’il était «Maire du Palais d’Austrasie». Ayant obtenu de son monarque l’hérédité de la charge, son petit-fils, Pépin d’Héristal, devint également, à la mort de son grand-père, lui-même «Maire du Palais».
Une guerre éclata rapidement entre les deux royaumes rivaux. En 680, Ebroïn, Maire du Palais de Neustrie, battit d’abord Pépin d’Héristal à Lattifao, actuel Laffaux, à la frontière des deux royaumes. En 687, à Tertry, au Nord de Péronne, Pépin prit une revanche décisive et réunit sous son autorité les deux Etats. En 714, Charles «Martel» succédait à son père, Pépin d’Héristal. Son surnom exprime avec éloquence le souvenir qu’il a laissé de son administration.
Les principales «dates» historiques à l’époque de Saint Erme.
Nous avons signalé les batailles de Laffaux en 680 et Tertry en 687.En 717, le 21 mars, dimanche de la Passion, Charles battit Ragenfried, Maire du palais de Neustrie, qui tentait de reconstituer son Etat au profit de son souverain Chilpéric II. Cette bataille eut lieu à Vincy près de Cambrai.
Ayant assis définitivement son pouvoir au cours d’une seconde bataille (à Soissons), Charles dut en découdre avec le roi des Frisons Radbod qui ravageait le Nord-est du royaume ; la puissance armée du chef barbare venait de remporter une première victoire sur les Francs et s’apprêtait à envahir le pays. En 719, à la veille de cette bataille décisive, Radbod fut frappé de mort subite ; ce décès qui donna lieu à une prophétie de Saint ErmeI. De victoire en victoire sur les Saxons, les Thuringeois et les Bavarois, Charles Martel se forgea son image de combattant. Par sa célèbre victoire de Poitiers contre les «Infidèles» en 732, il acquit un prestige immense ; en mettant un coup d’arrêt à un siècle d’expansion musulmane à travers le bassin méditerranéen il devint le champion du Christianisme.
La dignité royale, que seule l’Eglise pouvait conférer, était ainsi à sa portée, mais le chef franc, qui possédait tous les attributs du pouvoir sauf le titre lui-même, mourut en 741 (au palais de Quierzy sur Oise) non revêtu des insignes royaux.
Après avoir écarté Carloman, son frère, Pépin le bref succéda à son père Charles.
Avec la bénédiction du Saint-Siège, il déposa, pour incapacité, le dernier roi mérovingien, Childéric III (en 751) et se fit proclamer «roi des Francs» au Champ-de-Mai à Soissons.
De l’union du premier roi carolingien avec Berthe de Laon naquirent deux enfants qui, suivant la coutume, se partagèrent le grand royaume à la mort de Pépin (en 768). L’un des deux, Carloman, mourut au palais de Samoussy quelques temps plus tard (le 14 décembre 771). L’autre, Charlemagne, recueillit l’héritage de son frère.
Le jour de Noël de l’an 800, ayant poursuivi l’œuvre de conquête de ses prédécesseurs, il devint le premier Empereur d’Occident depuis la fin du monde romain. (voir la vie de Saint Erme)
II. L’essor prodigieux du christianisme au temps de saint Erme
L’Histoire qui se déroule sous la royauté mérovingienne est souvent considérée comme une période d’obscurantisme, une sorte de longue parenthèse entre la chute de l’Empire Romain et la Renaissance Carolingienne.
Les mœurs étaient alors, il est vrai, d’une extrême brutalité. Les partages, à la mort des rois francs, furent la cause de nombreuses guerres et assassinats perpétrés souvent avec atrocité.
Les rois mérovingiens exerçaient leur pouvoir au gré de leur fantaisie et s’avéraient bien incapables de gouverner leurs états. Leur faiblesse croissante favorisa le développement d’une puissante aristocratie terrienne. Cependant, le Christianisme connut alors une période d’expansion. Des auteurs le considèrent comme le «Siècle d’Or» tant il fut religieux et missionnaire : «Après un universel et épouvantable bouleversement, la race
humaine se fut trouvée réduite à quelques hommes errant sous des ruines. Heureusement, quand les tourbillons de fumée des villes incendiées furent dissipés, quand le bruit de la chute du colosse romain eut cessé, alors on aperçut une croix, un monde nouveau ; ou, plutôt, on vit l’Eglise, la croix à la main et qui, avec cette croix, allait tirer de ce chaos un monde nouveau, le monde chrétien.» (Chateaubriand – Etudes Historiques)
Un grand nombre d’authentiques saints illuminèrent cette époque et convertirent les populations barbares au Christ. Leurs noms sont bien connus aujourd’hui parce qu’ils ont été donnés à nos communes, nos quartiers ou nos paroisses : Saint Rémi, Saint Vaast, Saint Médar, Saint Géry, Saint Domitien, Saint Vincent, Sainte Gudule, Saint Omer, Saint Eloi, Saint Hubert, etc…L’un d’eux, Saint Amand, eut pour disciple Saint Ursmer. Devenu évêque et abbé de l’abbaye bénédictine de Lobbes, en Belgique, il désigna, avant de mourir, son successeur : son ami, Saint Erme.
III. Fondation de l’abbaye de Lobbes
L’abbaye de Lobbes fut fondée par un brigand converti, Saint Landelin, disciple de Saint Aubert, évêque de Cambrai. Cette conversion eut lieu vers 643.
Après trois voyages à Rome (entre 649 et 653), il conçut le projet de fonder une abbaye sur les lieux qui avaient été témoins de son brigandage ; il installa un oratoire et quelques cellules sur la rive de la Sambre et accueillit de nombreux jeunes nobles auxquels il donna la règle de Saint Benoît : l’abbaye de Lobbes était née (en 654 d’après la plupart des auteurs).
Son fondateur la dédia à l’apôtre Pierre envers lequel il avait acquis, au cours de ses voyages à Rome, une grande vénération. Il mourut le 15 juin 686 à 63 ans.
Les abbayes furent, pour la chrétienté, comme des phares qui rayonnaient la lumière autour de leurs foyers. Lobbes était, parmi celles-ci, l’une des plus importantes. Située aux frontières entre les pays mérovingiens
et barbares, elle était un «poste avancé» du monde chrétien.
Après Saint Landelin, mort en 686, l’abbaye mal dirigée entra dans une courte période de décadence. Pour cette raison, Pépin d’Héristal appela Ursmer, personnage plein de sainteté, de sagesse et d’autorité, à la tête de cette abbaye. Grâce à lui et à ses successeurs, Lobbes acquit un rayonnement remarquable dans la chrétienté.
IV. Vie de Saint Ursmer (644 ou 645-713), apôtre de la Thiérache et de la Fagne
Sources bibliographiques
La vie d’Ursmer a été écrite par Anson, moine érudit de l’abbaye de Lobbes vers 770 à la demande de Théodulphe, abbé de Lobbes. Ce manuscrit est parvenu jusqu’à nous et a fait l’objet de plusieurs transcriptions.
Rathier, illustre écrivain de la renaissance carolingienne et l’un des esprits les plus cultivés de son temps, «tomba», lorsqu’il était évêque de Vérone, sur un exemplaire du manuscrit qui se trouvait en la bibliothèque de cette ville. Le style simple et rustique d’Anson offusqua Rathier : «Cette œuvre est, quant au fond, d’un prix inestimable (il s’adressait aux religieux de Lobbes dont il voulait s’attirer les bonnes grâces, convoitant alors le suffrage des moines) mais, pour la forme, elle est remplie de tant de solécismes qu’on ne sait s’il faut les attribuer à la négligence de l’auteur ou à l’ignorance du copiste.»
Rathier remania l’œuvre d’Anson pour la rendre plus attrayante sans rien y ajouter ni retrancher (vers 936 – 938).
Folcuin, moine érudit et abbé de Lobbes un quart de siècle après Rathier, écrivit la vie de Saint Ursmer dans sa «Chronique des abbés de Lobbes». Son jugement sur Anson est encore plus sévère que celui de Rathier : «On ne le dirait clerc tant les règles de l’art lui sont étrangères.»
 Enfin, Heriger, successeur de Folcuin sur le siège abbatial (990 – 1007), est l’auteur d’une vie métrique de Saint Ursmer. Et, cependant… la source bibliographique première est Saint Erme lui-même qui écrivit un poème acrostiche alphabétique.Anson désigne cette source au chapitre 9 de sa «Vita Ursmari» : «Miracula etiam sui magistri opere metrico iuxta elementorum summam versificator optimus editit».
Ce poème, selon les auteurs de l’«Histoire littéraire de la France» qui consacrent un chapitre à Saint Erme, aurait été perdu «au grand dommage de l’Histoire lors de l’incendie qui ravagea l’abbaye en 1546».
Cette œuvre est-elle le manuscrit 77 de la bibliothèque de Verdun ?
Le parallélisme entre l’œuvre d’Anson et le manuscrit 77 est si prodigieux que le texte d’Anson semble bien être l’expression en rose du poème.Nous verrons ce qu’il faut en penser.
«Vita Ursmari»
Saint Ursmer est né à Floyon-FontenelleII près d’Avesnes-sur-Helpe le 27 juillet 644 ou 645. Des circonstances miraculeuses entourèrent cette naissance, s’il faut en croire la bibliographie. Son enfance et son adolescence furent particulièrement vertueuses et son intelligence fut très tôt éveillée, par sa famille, à la théologie de sorte qu’il fut remarqué par Saint Amand qui l’éleva au Sacerdoce (670). Il reçut mission de son maître d’évangéliser la Fagne et la Thiérache qui se livraient encore à des pratiques superstitieuses. Son rayonnement s’étendit rapidement et il accomplit de nombreux miracles. Il fut appelé par Pépin d’Héristal et son conseiller, Hydulphe, à la tête de l’abbaye de Lobbes. Il effectua un pèlerinage à Rome où il fut accueilli avec sollicitude par le Pape Sergius 1er qui lui conféra la dignité épiscopale. C’est la raison pour laquelle Ursmer, comme Erme et Théodulphe après lui, sont représentés portant la mitre.
Sergius déclara le monastère de Lobbes «exempt» c’est-à-dire qu’il relevait directement de Rome et non de toute autre juridiction ecclésiastique.
Enfin, le Souverain Pontife lui remit un reliquaire contenant les ossements de l’apôtre Pierre et prescrivit, par respect pour les saintes reliques, qu’aucune sépulture ne pourrait avoir lieu dans l’enceinte de l’abbaye.
Dès son retour de Rome, en 697, Ursmer consacra l’église abbatiale à Saint Pierre et Saint Paul en présence de Pépin et, en grande pompe, y plaça le reliquaire. Il fit construire, sur le sommet de la colline voisine, une église «aujourd’hui église paroissiale Saint Ursmer» entourée d’un cimetière pour la sépulture des moines. Par la prédication et la prière, il entreprit de convertir les païens du pays flamand. Il accomplit de nombreux miracles, prophéties et exorcismes et mourut le 18 avril 713. Il fut enterré en l’église qu’il avait bâtie sur la colline.
Aujourd’hui deux communes différentes.
Culte de Saint Ursmer
Saint Ursmer a été l’objet d’une grande dévotion en Thiérache et en Fagne ; plusieurs paroisses lui ont été vouées notamment celles de Binche, Floyon, Vellerelle-les-Brayaux, Lobbes et Oudenbourg. A Fontenelle, qui faisait alors partie de Floyon, on trouve encore une source miraculeuse qu’Ursmer a fait jaillir. Suivant les historiens, cette fontaine avait le pouvoir de guérir les fièvres.Aujourd’hui, cette source est l’objet d’un culte particulier : on y conduit les enfants en retard de marche. Selon les témoignages, les enfants ayant bu cette eau marchent dans les huit jours. Des personnes dignes de foi précisent que Saint Ursmer ne décevaitpas ceux qui s’adressaient ainsi à lui, croyants et incroyants.
Dans une chapelle dédiée à Saint Ursmer et érigée à quelques pas de la source, les pèlerins ont déposé les layettes ou chaussons de leurs enfants guéris par Saint Ursmer. Un registre situé sur un prie-Dieu témoigne de la vigueur de ce culte.
A Eppe-Sauvage, près de Trélon, un petit oratoire a été édifié et est toujours visible en un lieu où Ursmer, selon la tradition, avait l’habitude de s’arrêter pour prier au cours de ses déplacements. Ainsi on constate à quel point la vie d’Ursmer s’est inscrite en des lieux qui nous sont familiers et comment son histoire s’identifie avec celle du Christianisme dans nos contrées.
Autant pour illustrer le style de la littérature religieuse d’une époque que pour réchauffer la ferveur vis-à-vis d’un personnage attachant dont la mémoire a influé sur la croyance de nos compatriotes au cours des siècles, voici le texte d’une prière à Saint Ursmer publiée par Monsieur l’abbé Declèves, curé-doyen de Binche, au siècle dernier : «Glorieux Saint Ursmer, nous venons avec toute l’ardeur de notre âme, implorer votre grande bonté et vous prier d’intercéder pour nous auprès de notre créateur, de notre rédempteur et de notre Dieu.» «Bienheureux apôtre des nations infidèles, comblé de tant de grâces, orné de tant de vertus pendant votre vie ; illustre par tous les miracles et si puissant près de Dieu après votre mort ; nous vous supplions d’exercer envers nous votre grande charité et de montrer le crédit dont vous jouissez dans le paradis. « Du haut du ciel où vous régnez avec Jésus Christ, tournez sur nous, pauvres pécheurs, les regards de votre miséricordieuse compassion, obtenez-nous le pardon de nos péchés et la grâce d’accomplir en tout, la Sainte Volonté de Dieu ; défendez-nous contre nos ennemis visibles et invisibles, secourez-nous dans toutes nos nécessités spirituelles et temporelles, surtout dans la grande nécessité où nous nous trouvons et pour laquelle nous vous invoquons. Soyez toujours notre protecteur et notre père afin qu’après avoir servi Dieu comme vous sur cette terre, nous parvenions avec une conscience pure au tribunal du Souverain Juge pour aller éternellement avec vous jouir de la vue de Dieu dans le paradis, par Jésus Christ, Notre Seigneur, Ainsi soit-il.»
Enfin, Saint Ursmer pourrait être le patron de ceux qui souffrent des dents : au cours de sa vie, il eut, pendant neuf ans, de violents accès de douleurs aux dents au point qu’il ne pouvait absorber d’aliments que liquides.
Par exemple, la guérison d’un moine de Saint WirmocIII permet de l’attester. J. Vos T.II (1865) Page 18

V. Vita ermini  (vie de Saint Erme)

Sources bibliographiques

Au cours de cette fin de règne mérovingien, les abbayes sont les bastions du savoir. Deux auteurs ont laissé des écrits dans cette région de Belgique au début du VIIIème siècle :
  • Anson,
  • Erme lui-même (appelé en réalité ERMIN ; en latin, Erminus). Précisément, Anson est l’auteur d’une biographie de ses prédécesseurs sur le siège abbatial de Lobbes : Ursmer dont il vient d’être question au chapitre précédent, Erme, successeur direct du premier.
La vie de Saint Ursmer, par Anson, était une apologie insipide, peu fournie en informations biographiques ; D’autre part cette «vita» comportait des emprunts à des auteurs précédents ; en particulier à la «Vita Martini» de Sulpice-Sévère d’où il avait tiré son prologue. Le style de «Vita Ermini» est beaucoup plus vivant pour deux raisons :
  1. Elle est écrite à peine trente ans après la mort du saint abbé. En effet, érudit et pieux, Anson a été élevé à la dignité abbatiale en 776 (mort en 800). Il succéda à Théodulphe. Le manuscrit a été écrit entre 762, année de son entrée dans la vie monastique, et 776, année de son élection comme abbé, à la mort de Théodulphe qui lui avait «commandé» le manuscrit. Or, au chapitre IX de la «Vita Ermini», l’auteur indique qu’il écrit sous le règne de Pépin le bref. Ce dernier étant mort en 768, le manuscrit a donc été écrit entre 762 et 768. Anson puise ses informations auprès d’un moine, disciple de Saint Erme, appelé Flabert, comme il l’indique lui-même au chapitre VI de sa «Vita». Ces renseignements de première main influent sur le style beaucoup plus vivant que celui de la «Vita Ursmari».
  2. Cependant, l’hagiographe est avare en indications biographiques : les «vitae» étaient principalement destinées à réchauffer le zèle des moines et du peuple par l’évocation des héros proposés comme  modèles. Le souci historique ne comptait pas en regard de l’enthousiasme communicatif que devait provoquer le récit des prodiges des saints patrons. Comme l’indiquent les auteurs de l’«histoire littéraire de la France», on est proche du style de la chanson de Geste du haut moyen-âge.
Dans la «Vita Ermini», les emprunts sont plus rares que dans la «Vita Ursmari». On trouve néanmoins quelques interpolations avec la «Vita Martini». Des passages sont parfois inspirés de la Bible.
La vie de Saint Erme par Anson a été plagiée par l’auteur de la Vita Vincenti (Saint Vincent Madelgaire) : celui-ci a intégralement transcrit le prologue de la «Vita Ermini» en y ajoutant une phrase tirée de la «Vita Martini».
Pour relater la naissance et la jeunesse de Saint Vincent, le plagiaire a également emprunté son récit à la vie de Saint Erme.
La «Vita Ermini» de Anson a été interpolée par un moine de Lobbes qui ne cite pas sa source au point qu’on pourrait le prendre pour l’auteur de la biographie primitive. Les savants Mabillon et Levison reprennent en note les quelques indications complémentaires de cet interpolateur.
Tous les récits de la vie de Saint Erme se réfèrent à Anson qui reste leur source unique. Cependant ce texte se trouve éclairé par les indications qu’ont pu en faire les érudits :
  • Folcuin, abbé de Lobbes à partir de 965 et mort en 990, personnage également vertueux et savant, reproduit des épisodes de la vie de Saint Erme dans sa «Chronique des Abbés de LobbesIV».
  • Gilles Waulde, au XVIIIe siècle écrivit une «Vie et miracles de Saint Ursmer et de sept autres saints» contenant une «Vie inédite de Saint Erme».
Ces chroniqueurs de l’abbaye de Lobbes comme d’autres nous fournissent des indications sur le culte rendu à Saint Erme et sur les miracles opérés en son nom. Gesta Abbatum Lobbiensium (vers 980)
De nombreux martyrologues le citent à la date du 25 avril ; parmi eux deux éminents savants et des ouvrages collectifs :
  • Jean Mabillon, V au XVIIe siècle, retrace la vie de Saint Erme dans ses «Acta Sanctorum ordinis Sancti Benedicti» (tome III).
  • Wilhem Levison a effectué le même travail dans la Somme intitulé «Monumenta Germaniae Historica Scriptores rerum Merovingicum – passiones vitae que sanctorum acvi Merovingicum».
  • Les Bollandistes reprennent la Vita Ermini dans leurs «Acta Sanctorum» le 25 avril, jour anniversaire de la mort de Saint Erme.
  • Les rédacteurs de l’Histoire littéraire de la France dans le tome consacré au VIIIème siècle (1865) réservent un chapitre à Saint Erme qu’ils considèrent comme l’un des premiers grands auteurs de notre littérature. Ils considèrent comme une perte inestimable la disparition d’un hymne acrostiche dans l’incendie de l’abbaye de Lobbes en 1546.
Près de nous, un certain nombre d’érudits relatent la vie de Saint Erme :
  • Warichez dans son livre «L’Abbaye de Lobbes depuis l’origine jusqu’à 1200» (1909).
  • E. de Moreau dans l’«Histoire de l’Eglise en Belgique» (1947).
  • L’abbé J. Vos dans son livre «Lobbes, son Abbaye et son Chapitre» (1865).
  • L’abbé Declèves dans son ouvrage «Saint Ursmer, sa vie, ses compagnons, ses miracles et son culte» reprend les mêmes récits dans un style aussi sympathique et chaleureux que désuet. Ce livre contient de nombreuses planches intéressantes (1885). Enfin, un certain nombre de scientifiques se sont intéressés aux vitae des saints mérovingiens et ont donné des indications sur la valeur littéraire de ce texte de Anson :
    • Warichez déjà cité : chapitre consacré à la vie littéraire à Lobbes,
    • L. Van der Essen : Etude critique pour les vitae des saints mérovingiens,
    • Delahaye : «Les légendes hagiographiques».
    • Jean Mabillon, grand érudit français (1632 – 1707) est né à Saint-Pierremont dans les Ardennes près de Buzancy.
Mais, revenons au texte primitif de Anson dans une traduction littérale.
Prologue de la vita ermini
«Lorsqu’on cite les préceptes des apôtres ainsi que les exemples des Pères, les triomphes des Martyrs et les efforts accomplis par les Confesseurs contre les maléfices du prince des Ténèbres, les cœurs sont enflammés de l’Amour de la Cité Céleste et sont davantage entraînés par l’exemple que par les discours. Chacun apprenant ainsi les grands mérites de ses Pères s’applique à les imiter. En pensant à tout cela, avec l’aide de Dieu, j’ai choisi de retracer comment, par le souvenir de ses bonnes œuvres, le bienheureux évêque Ermevi s’est montré digne de la félicité céleste.»
Ce prologue typique des Vitae mérovingiennes introduit le récit de manière habile en invitant les disciples tout à la fois à admirer lemaître et à se montrer digne de lui.
Le début du texte est à rapprocher de ce passage de Saint Paul dans l’épître aux Ephésiens (C.6 ; v. 12) : Texte de Anson (entre 762 et 768) «Ce n’est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter mais contre les régisseurs des ténèbres…»
L’ensemble du prologue ressemble dans le style à l’extrait de cette épître C. 6 versets 10 à 17 où on retrouve un certain nombre de mots et d’images avec un thème commun.
VI. On devrait en réalité traduire Ermin, mais nous avons voulu adopter la dénomination moderne.
Chapitre 1 de la Vita Ermini
«Erme naquit au pays de Laon. Sa famille appartenait à la classe moyenne, de la race franque. Mais la gloire qu’il tirait de sa naissance s’effaçait devant celle qu’il tirait de ses vertus : Texte de Anson (entre 762 et 768)
Doué d’une bonne intelligence, il fit des progrès rapides dans les Saintes Ecritures et fut élevé au sacerdoce, en raison de sa vie incomparable et de sa très grande piété, par l’évêque de Laon, Madelgar.»
Ce chapitre 1 apporte des indications intéressantes sur les origines de notre Saint :
  • Sa famille de petite noblesse franque
  • Le lieu de sa naissance, attesté sans aucun doute possible par les chroniqueurs de l’abbaye et de très nombreux actes, est Herly (en latin : Ercliacum) ; le village a pris le nom de son illustre patron beaucoup plus tard (probablement au XIIe siècle). Le domaine d’Herly fut apporté en «dot» à l’abbaye de Lobbes par Erme. En effet, certains manuscrits attestent qu’il offrit au monastère tout ce qu’il possédait, à savoir le village d’Herly, lieu de sa naissance, Dodeleuroux (Goudelancourt ?), Oulbres (Outre) et Ramecourt. Les moines de Lobbes établirent à Herly un prieuré. On y cultiva en particulier la vigne. Leonus, élu abbé en 1131 puis confirmé quelques jours plus tard par Liétard évêque de Cambrai, fut, au dire de certains, prieur de Herly-Saint-Erme pendant une période de trente ans. Il fut auparavant moine d’Anchin et prieur de Hesdin.

C’est sous l’abbatiat de ce Leonus, également homme de lettres, que fut supprimée, pour des raisons que nous ignorons, l’inestimable école monastique de Lobbes qui avait connu tant d’auteurs illustres.

Ermin François, abbé de Lobbes (1570 à 1598) originaire d’Arras, échangea en 1576 le prieuré de Saint-Erme contre celui de Houdain en Artois appartenant aux moines de Saint-Rémi.
Erme est né probablement vers 665. La villa de sa famille pouvait par exemple se situer à l’emplacement de l’actuelle église paroissiale dont l’architecture très curieuse est faite d’adjonctions multiples. Le prieuré
a pu tout aussi bien avoir été dressé sur les fondations de la villa familiale.Les constructions nouvelles étant toujours édifiées sur les fondations anciennes, il est impossible aujourd’hui d’observer des vestiges du prieuré dont l’existence est attestée encore au XVIIIème siècle. Les travaux de sous-œuvre faits par les propriétaires de la ferme baptisée, en raison des probabilités, «Le prieuré», attestent de fondations anciennes.
On trouvera des renseignements sur Madelgar dans l’histoire du diocèse de Laon. Celui-ci surpris par les dons de son protégé, Saint Erme, se prit d’affection pour lui, l’éleva au rang des clercs puis au sacerdoce, le choisit comme chapelain et confesseur et le pourvut d’un canonicat dans l’église Notre Dame de Laon.
Chapitre 2 de la Vita Ermini
«Comme il faisait de gros progrès sous la conduite de ce pontife, la réputation de piété qu’Erme s’était acquise se répandit au point de parvenir à Lobbes aux oreilles de Saint Ursmer, évêque et abbé du monastère, ainsi nommé en raison du cours d’eau qui le traverse tel un fleuve, que nous appelons ici : «LaubacusVII».
Ursmer, ce serviteur de Dieu, l’attira vers lui et ils se lièrent d’une étroite amitié. Voyant Erme grandir dans la Sainteté, il demanda à le voir très souvent. Ursmer le formait avec patience, comme butine une abeille, l’initiant à la pratique de la perfection et aux choses saintes.»
Selon Balau VIII, la remarque que fait Anson sur l’origine du nom de Lobbes est le premier exemple historique d’essai étymologique connu. Texte de Anson(entre 762 et 768) VII VIII Sylvain Balau – soixante-dix ans d’Histoire contemporaine de Belgique – 1889

Chapitre 3 de la Vita Ermini

«Or il advint, en ce temps-là, qu’un seigneur du nom d’Haylebalde, puissant dans le royaume de Pépin, vint à passer dans la région de Laon. L’évêque Madelgar, ayant appris cette arrivée dans son diocèse lui fit préparer un repas splendide et de nombreux cadeaux. Haylebalde vint chez l’évêque et, comme il se disposait à lui faire ces présents, il l’appela pour lui dire : «Je ne désire recevoir aucun des dons que tu as préparés ici, mais je te prie de m’accorder une grâce.»
L’évêque répondit : «Demandez ce que vous voulez, je vous l’accorderai avec plaisir.»
Heureux de cette réponse, Haylebalde ajouta : «Je désire seulement que vous permettiez à un de vos prêtres, nommé Erme, de s’en aller demeurer au monastère de Lobbes auprès du saint abbé Ursmer, pour y conduire à bonne fin l’œuvre commencée.»
Entendant cette demande, Madelgar conçut un vif chagrin mais, comme il ne pouvait refuser, il consentit tout de suite en disant : «Qu’il aille où vous voulez.»
Le moine interpolateur IX rapporte quelques modifications à cette biographie. Sous sa plume, le début du chapitre 3 devient : Texte de Anson (entre 762 et 768). Or il advint, en ce temps-là, qu’un seigneur du nom d’Haylebalde, puissant dans le royaume de Pépin, vint à passer dans la région de Laon, alors que PépinX cherchait à tirer une juste vengeance de la mort de son père Anségide, tué par un assassin alors qu’ilcombattait Théodoric, roi de cette province de la France qu’on nomme Belgique, lequel menaçait les Francs d’Austrasie et alors que Pépin soumettait à son pouvoir les royaumes limitrophes. IX
Un moine interpolateur est un moine copiste qui, autorisé ou non, fait des modifications ou des adjonctions à un texte primitif. Pépin d’Héristal
Ceci nous permet de situer, selon toute vraisemblance, la scène décrite au chapitre 3, postérieurement à l’année 685, date de la mort d’Anségide.
Nous avons d’autres précisions concernant l’époque où se déroula cette scène puisque Madelgar (ou Madelgaire) fut évêque de Laon de 700 à 713. On peut situe avec vraisemblance cette scène vers 705. La plupart des auteurs sont d’accord pour reconnaître qu’il y a de fortes présomptions pour que le puissant Seigneur dont il s’agit soit en réalité Saint Hydulphe («Haylebalde»), conseiller de Pépin. L’attention particulière que portait Pépin d’Héristal à l’abbaye s’explique par le fait que Lobbes se trouvait à quelques kilomètres de Leptimus (actuellement Lestinne-au-Val) où se trouvait l’un des principaux palais que fréquentait le chef carolingien. En outre, cette abbaye promise à un grand rayonnement avait connu une période de déclin entre l’époque de sa fondation par Saint Landelin et la venue de Saint Ursmer. Pépin, Hydulphe et Ursmer voulaient éviter les conséquences néfastes qui pouvaient résulter pour l’abbaye d’un choix malheureux.
Chapitre 4 de la Vita Ermini
Dès son admission à l’abbaye, il fut le plus obéissant, le plus humble et le plus fervent des moines. Il s’éleva en peu de temps au sommet de la perfection religieuse. Dieu le comblait de grâces et ses frères lui portaient une vive affection. Texte de Anson. Il n’avait en lui ni orgueil, ni arrogance, mais il était envers tous plein de bienveillance et de charité. Il habitait la terre mais il vivait dans les Cieux.
Ces strophes contiennent des traits panégyriques faits pour susciter le culte et créer la légende d’un homme d’exception proposé en modèle à ses semblables.
C’est pourquoi on retrouve ce type de portraits dans la plupart des «Vitae».Levison signale un emprunt à la Vita Sylvestri.
Chapitre 5 de la Vita Ermini
Sur la fin de sa vie, Ursmer devenu gravement infirme, ses moines lui donnèrent licence de se décharger de son ministère. Il proposa à ses frères, les voix de tous, clercs et laïcs se firent unanimes pour ratifier ce choix. Placé ainsi au faîte des responsabilités du monastère, Erme se montra tellement brillant dans l’exercice de sa fonction qu’on aurait pu croire qu’il l’avait toujours exercée. C’est ainsi qu’il se montra généreux en aumônes, assidu aux offices nocturnes, d’une très grande humilité, remarquable en doctrine, éloquent en paroles, d’un abord où rayonnait la Sainteté, d’une très grande hospitalité, vénérant chacun comme s’il recevait le Christ, montrant la sincérité de son cœur dans l’assurance de ses paroles. Dans tout ce qui se rapportait au Salut éternel, il s’appliquait laborieusement, enseignant la parole de Dieu avec zèle. Il insistait sur la pratique des vertus que nous venons de mentionner au point qu’on pouvait le trouver à tout moment occupé à prier ou à psalmodier. Texte de Anson
Le récit apologétique se poursuit selon la pratique du temps, avec des réminiscences des Vitae Sylvestri, Remedi et martini.
A la fin du premier paragraphe relatant l’élection de Saint Erme, l’interpolateur anonyme indique : «Sur la vie de Saint Ursmer, nous possédons un ouvrage remarquablement complet XI. Nous avons également, sur ses vertus, un poème en vers composé par Saint Erme dont les strophes sont composées par ordre alphabétique.»
Ainsi Saint Erme est élu par ses pairs sur proposition de Saint Ursmer et non nommé par l’évêque du lieu.
En effet, le pape Sergius avait déclaré l’abbaye de Lobbes exempte, c’est-à-dire dépendant sans intermédiaire de Rome.
En outre, il avait conféré à Ursmer la dignité épiscopale faisant de lui l’égal des autres évêques. Il y a toutefois une grande différence dans l’origine de ces deux dignités.
XI L’ouvrage d’Anson.

Ursmer avait, selon toutes vraisemblances, reçu le titre d’évêque missionnaire en raison de son activité apostolique au-delà des limites des zones évangélisées jusqu’alors.

Au contraire, Saint Erme devient évêque du fait de son élection (en langue germanique, «Klosterbisschoff». Il en sera de même de ses successeurs immédiats, jusqu’à ce que les résistances des évêchés voisins de  Cambrai et Liège aient raison de ce privilège. Pour cette raison, comme son prédécesseur Ursmer, Erme est toujours représenté portant la mitre.
Au sujet des mérites de Saint Erme, Folcuin, dans sa chronique, exprime qu’il suivait à tel point l’exemple de son glorieux prédécesseur que, si l’on avait pu croire en la transmigration des âmes d’un corps à l’autre, on aurait pu penser que l’âme de Saint Ursmer animait le corps de Saint Erme.

Chapitre 6 de la Vita Ermini
D’aucuns disent qu’il avait le don de prophétie comme le rapporte son disciple Flabert, homme de vie vénérable au témoignage digne de foi. En effet, alors que Ragenfried était en guerre contre Charles Martel, ce même jour, avant l’heure du combat, après matines pendant le repos des frères, Erme était resté seul à l’oratoire pour prier sur les psaumes selon son habitude. Texte de Anson. A la longue, une envie de dormir l’envahit de sorte qu’il pouvait à peine se tenir sur pieds. Comme il s’en défendait et luttait contre cet engourdissement du corps, une voix lui parvint, disant : «Charles est victorieux.» Il fit lever ses frères, les réunit et leur narra ce qu’il avait entendu. L’événement fut confirmé par la suite car Ragenfried fut mis en déroute, son armée presque anéantie et Charles soumit à son pouvoir la totalité du royaume des Francs ainsi qu’il avait été dit à Saint Erme.
Le fait historique narré par Anson se situe en 716, sur le cours de la rivière Amblève légèrement en aval de Aywaille. C’est un épisode de la guerre de succession qui suivit la mort de Pépin d’Héristal en 714 et s’acheva par le triomphe de Charles Martel en 719.
Voici les circonstances :
Avant la mort de Pépin, Grimoald, son fils, avait été assassiné à Liège alors qu’il était occupé à prier dans l’église. Grimoald avait un enfant en bas âge, Théobald : il fut institué maire de Neustrie et d’Austrasie sous la tutelle de Plectrude, femme de Pépin.
Les Neustriens refusèrent d’obéir à une femme et firent choix de Ragenfried comme Maire du palais. Ceux-ci se jetèrent sur l’Austrasie par l’Ouest tandis que les Frisons de Radbod l’attaquaient par l’Est.
Les Austrasiens ainsi pressés laissèrent là Plectrude avec l’enfant qu’on leur donnait pour chef et tirèrent de la prison où Plectrude l’avait jeté, le fils illégitime que Pépin avait eu avec une concubine nommée Alpoïde, Charles, devenu par la suite Charles Martel.
Charles eut d’abord le dessous. Neustriens et Frisons entrèrent simultanément en Austrasie. Il se retira dans la forêt des Ardennes observant tout du haut des sommets et attendant une occasion favorable.
Et c’est ainsi qu’à la tête de cinq cents cavaliers seulement, il surprit l’armée neustrienne de Ragenfried qui se dispersa en proie à la frayeur.
Une action plus sérieuse s’engagea à Vincy l’année suivante puis Charles battit définitivement les Neustriens à Soissons en 719.
L’interpolateur signale, à l’occasion de cette guerre de succession, l’intrigue dirigée par un moine tonsuré nommé Danihel. En conclusion, il célèbre ainsi Charles : «Donné aux Austrasiens comme un nouvel astre, envoyé du ciel dans une terre enténébrée, s’étant confia à Dieu, conforté par la combativité de ses troupes bien que peu nombreuses, il s’élança avec intrépidité sur la multitude de ses ennemis.»
Vita Ermini 14_06_24
Chapitre 7 de la Vita Ermini
On ne peut laisser sous silence ce que dit Erme sous l’inspiration du Saint Esprit à la mort de Radbod, ce païen, prince des Frisons. Cet homme avait mis au point le dessein funeste d’envahir la terre des Francs et de la livrer à sa vengeance. Il commençait à rassembler des foules de païens et une armée très importante.
A cette nouvelle, les Francs éprouvèrent une très grande crainte, se rappelant qu’ils avaient été sévèrement battus autrefois. Dieu eut alors pitié de ses serviteurs et ne permit pas à Radbod d’envahir à nouveau le territoire franc car il fut frappé subitement par la mort.
Il advint que ce même jour, Saint Erme se rendait à cheval à Floyon. On était à la neuvième heure ; il pressa un peu le pas et dit à ceux qui l’accompagnaient : «En vérité, je vous le dis, en ce moment un puissant de la
Terre est en train de succomber.»
Ceux qui étaient avec lui prirent note du jour et, s’informant avec soin, constatèrent que Radbod était mort au jour et à l’heure révélés par Saint Erme.
L’événement relaté eut lieu en 719 alors que le pouvoir de Charles était encore fragile. Radbod, ainsi que l’indique l’interpolateur anonyme, faisait courir un danger mortel aux Francs qu’il avait déjà mis en déroute. L’invasion qui se préparait signifiait, en cas de victoire de Frisons, l’assujettissement de l’Austrasie, la fin de l’abbaye et la mort pour ceux qui ne parviendraient pas à fuir. Cette disparition fut un grand soulagement pour
les populations franques. Ce même interpolateur narre un certain nombre de circonstances légendaires qui entourèrent la mort de Radbod, lequel avait résisté aux tentatives de conversion de Saint Willibrod (apôtre de la Frise) et personnifiait le chef païen : Radbod se préparait au baptême. Ayant mis un pied dans le baptistère, il se fit dire que, parmi les chefs qui l’avaient précédé dans la mort, la plupart devait se trouver en enfer.
Désireux de suivre le destin du grand nombre, il ne voulut pas mener une vie conforme aux préceptes de la religion et refusa de poser le second pied dans le baptistère. Texte de Anson.
La nuit suivante, désireux de connaître les richesses de l’autre Monde, Radbod, guidé par le démon, fut conduit dans un lieu marécageux où ne pouvaient survivre ni hommes, ni bêtes, mais qu’il pouvait parcourir par mystification diabolique. L’évêque qui aurait dû le baptiser avait envoyé un de ses fidèles clercs à sa suite.
Radbod arriva enfin en un lieu où il vit le diable assis sur un trône splendide orné de pierres précieuses.
Mais le prince des démons fut ébranlé à la vue du diacre qui portait le signe invincible de la croix.
Le diacre put à grand peine s’échapper du marécage alors que Radbod trépassa et que la parole de Saint Erme fut accomplie.
Cette adjonction de l’interpolateur contient un certain nombre d’emprunts à la Vulgate (Mathieu chapitre VII versets 14 et suivants) et à la Vita Ulframmi.
Chapitre 8 de la Vita Ermini
C’est, je crois, peu de temps après que Charles, voyageant à travers la contrée, aurait dit à ses familiers : «Allons au monastère de Lobbes.»
Aussitôt, cavaliers, pisteurs et autres serviteurs arrivèrent au monastère en disant : «Charles nous suit.»
Saint Erme était occupé à chanter les psaumes et priait dans son oratoire dédié à Marie, Saint Jean-Baptiste et Saint André. Texte de Anson
Comme la suite de ce prince emplissait presque le monastère, le prieur nommé Martin envoya un moine à l’oratoire demander à Saint Erme de sortir afin de se préparer pour accueillir Charles Martel.
A l’arrivée du moine il chantait le psaume «Dieu donne ton jugement au Roi et ta justice au fils de Roi.» Celui qui avait été envoyé auprès de Saint Erme lui dit alors humblement ce dont on l’avait chargé. Pour réponse il lui commanda : «Vas-t-en.» Puis il continua à psalmodier. A nouveau, Martin lui envoya un autre moine chargé de la même commission ; Saint Erme lui donna l’ordre de sortir et continua ses prières. Enfin, Martin alla le trouver lui reprochant avec fureur son peu d’empressement : «Votre conduite est tout à fait surprenante, pourquoi donc ne venez-vous pas nous dire ce qu’il faut faire ? Charles, notre prince, est sur le point d’arriver ici !»
Mais lui, plongé en oraison et animé de l’esprit de prophétie lui dit : «Vas trouver ceux qui viennent d’arriver, donne-leur tout ce qui leur faut et dis-leur qu’ils peuvent retourner auprès de leur maître ; car, en vérité, Charles ne viendra pas au monastère cette année.» Obéissant aux ordres du pieux abbé, le prieur leur donna tout ce qui était nécessaire et ils se retirèrent du monastère.Charles, de son côté, poursuivit son chemin. Ainsi se réalisa la parole de saint Erme que le Seigneur lui avait fait connaître.
Ce passage ne se réfère pas comme les précédents à un événement historique majeur. On y voit une scène pleine de charme et de vie.
A travers la précision de certains détails (en particulier le passage du psaume 71 que récitait Saint Erme lorsqu’il fut dérangé) on sent la présence du témoin direct qui a raconté ces récitsXII. Une leçon se dégage du récit : Saint Erme, à l’imitation du Christ, a voulu affirmer la priorité du service de Dieu sur celui des hommes fussent-ils princes. XII.Le moine Flabert.
Chapitre 9 de la Vita Ermini
Il ne faut pas taire non plus ce que le Seigneur a bien voulu révéler à Saint Erme au moment de la naissance de Pépin (Pépin le bref), fils de Charles.
C’est ainsi qu’à la naissance de l’enfant, un messager fut envoyé par Charles à ce monastère. Saint Erme eut un entretien avec ce visiteur et s’enquit du nom qu’on avait donné à cet enfant. «Il s’appelle Pépin.» lui fut-il répondu. Texte de Anson
Le messager étant parti, Erme dit à ceux qui l’entouraient : «Cet enfant règnera sur l’empire des Francs, il détiendra une puissance plus grande que celle qu’aucun Carolingien n’aura connue avant lui.»
Et c’est ainsi que nous le voyons à présent régner sur tout le royaume de Francs ainsi que Saint Erme l’avait prédit.
Cet épisode chronologiquement antérieur aux précédents se situe en 714, année de naissance de Pépin, soit un an seulement après la mort d’Ursmer, à une époque où Charles Martel, fils naturel de Pépin d’Héristal,
n’est promis à aucun avenir.
Chapitre 10 de la Vita Ermini

– IL COMMANDE DES PRIERES POUR UN MORT –
Une autre fois, Saint Erme se trouvait en visite au monastère d’Elnon où repose le corps de Saint Amand dont Ursmer avait été disciple.Texte de Anson

Ce monastère était distant de son couvent d’environ trente milles. Or, il advint qu’un moine du nom de Guimbert mourut sur ces faites au couvent de Lobbes.Bien qu’absent, il le sut tout de suite et le recommanda aux
prières des moines d’Elnon, ce qu’ils firent bien volontiers.
Gilles Waulde dans sa «Vie inédite de Saint Erme» ajoute en réponse à la demande de Saint Erme aux moines d’Elnon : «Ce qu’ils firent avec d’autant plus d’empressement car ils y étaient tenus non seulement par
les devoirs de leur confraternité, mais aussi par le respect que méritait un prélat qui venait de leur donner des marques d’une si grande vertu.»
Chapitre 11 de la Vita Ermini
– FIN DE SA VIE – Texte de Anson
On peut également dire en sa faveur que jamais il ne s’abaissa devant aucune personne par crainte ni flatterie, que jamais il ne tut la parole qu’il devait prononcer. Au contraire, il fut toujours inflexible dans sa prédication apostolique.
Chapitre 12 de la Vita Ermini
– MORT DE SAINT ERME –
Jusqu’au bout, il instruisit ses disciples avec sûreté dans la perfection, attribuant à chacun en nourriture sa part de froment.Texte de Anson
Avancé en âge et plein de mérites dans une vieillesse paisible,le 25 avril 737 de l’incarnation de Notre Seigneur Jésus Christ ; il s’en alla tout droit vers le Seigneur.
A lui honneur, gloire, puissance et domination pour les siècles des siècles.
Ce dernier chapitre contient un emprunt à la Vulgate (St Luc 12– 42) cependant qu’au chapitre précédent, Levison signale une interpolation avec la Vita Martini.
Folcuin, dans sa chronique des abbés de Lobbes donne un certain nombre d’indications complémentaires : «Saint Erme dirigea ce monastère pendant environ vingt-cinq ans. Il est enseveli auprès du bienheureux Ursmer dansl’oratoire de Sainte Marie Mère de Dieu, au sommet de la colline.Il laissa pour successeur l’évêque Théodulphe. Saint Erme mourut le septième jour des calendes de mai, le jeudi avant les rogations, l’an 737 de l’incarnation de Notre Seigneur Jésus Christ, 23ème du règne du roi Charles.»
Cette date correspond au 25 avril, jour de la saint Marc.
A Lobbes, il fut célébré le 27 avril en raison de la solennité de Saint Marc le 25.
Ainsi s’achève le manuscrit de Anson.
Cette bibliographie ne nous apprend pas grand chose sur la vie du Saint. Selon l’usage, la priorité est donnée au «merveilleux».
On trouve cependant quelques «matériaux» tels que :
  • La condition des parents d’Erme,
  • L’éducation à l’école monastique de Laon,
  • Son amitié avec Ursmer,
  • Les circonstances de son arrivée à Lobbes.
On n’a pas de mal à deviner également :
  • La précocité de Saint Erme dans la science religieuse,
  • Son rayonnement exceptionnel parvenu jusqu’aux oreilles du prince, au point que ce prince voulut se l’« approprier » au profit de l’abbaye de Lobbes, voisine de sa résidence de Leptinnes.
Cette volonté du roi et le stratagème auquel il eut recours montre quel «prix» il attachait à notre personnage.
D’autres auteurs nous apprennent que Saint Erme ne se cantonna pas dans son monastère et qu’il se livra au travail apostolique. Il parcourut la Fagne, la Thiérache, les Flandres pour affermir dans la foi les âmes
converties par Saint Ursmer. Il semble que son itinéraire spirituel ait suivi celui de son ami Ursmer de la manière que l’a écrite Folcuin. Dans les narrations d’Anson, on retrouve en effet Erme à Elnon où Ursmer avait fondé une abbaye et à Floyon, lieu de naissance d’Ursmer.
Certaines caractéristiques se dégagent néanmoins de la personne d’Erme :
  • Une intelligence vive, vraisemblablement l’une des plus brillantes de son temps qui fascina Madelgar, Ursmer et Hydulphe.
  • Une piété exemplaire qui faisait l’admiration de ses semblables, ainsi que, par contraste, une grande humilité (si l’on se base sur Anson, Folcuin et Gilles Waulde).
  • Dans sa Vita Ursmari, Anson nous enseigne un aspect de l’activité littéraire dont fut capable Erme ; il s’agit de l’hymne acrostiche alphabétique dont nous reparlerons. La technicité de cette œuvre nous renseigne sur les capacités de son auteur dans la science des lettres. Faisant allusion à la disparition de ce manuscrit les auteurs ne considèrent-ils pas qu’il s’agit d’une grande perte pour le patrimoine de notre contrée ?
  • Preuve encore du rayonnement du Saint personnage, les chroniques de Lobbes nous apprennent qu’un très important personnage du nom d’Abel, par la suite archevêque de Reims, vint d’Angleterre se placer sous la conduite d’Erme. D’autre part, Folcuin indique qu’il s’entoura de trois évêques coadjuteurs Saint Ulgise, Saint Amoluin et Saint Abel lui-même.Que tant de personnages importants se retrouvent autour et sous les ordres d’Erme et décident, par la suite, de se retirer à Lobbes montre le rôle historique et religieux important d’Erme et le rayonnement qu’il communiqua à l’abbaye.
Suivant Sylvain Ballau, Anson est l’écrivain le plus ancien de cette région «dont le nom soit venu jusqu’à nous».
Son œuvre révèle chez son auteur des dons innés de narrateur, un curiosité digne d’être soulignée pour la toponymie et un souci louable de se rattacher quelques épisodes de la vie de son héros à un contexte histo-
rique général XIII. Le travail d’Anson sur Erme est original : les emprunts à Sulpice Sévère (Vita Martini), à la Vulgate, à l’auteur de la Vita Silvestri, à la Vita Remedii signalés par Levison son extrêmement rares.XIII
Trésors d’Art et d’Histoire de la Thudinie (1976) p. 18.
VII. Suite de l’histoire
Successeur d’Erme
Suivant certain auteur, le successeur de Saint Erme fut Théodulphe. Mais des actes permettent de supposer qu’en réalité un personnage du nom de Théoduin fut à la tête de l’abbaye pendant quelques temps.
C’est Anson, l’hagiographe de Saint Ursmer et de Saint Erme qui succéda à Théodulphe en 776. Il fut enterré, comme Ursmer, Erme et Théodulphe, en l’église sur la colline.
Elévation du corps de Saint Erme.
Aujourd’hui, seul le pape, après une très longue enquête, peut décider d’élever à la dignité de Saint un personnage en raison de ses mérites.
Jusqu’au XIIème siècle, l’évêque du diocèse exerçait ce pouvoir ; il se basait sur l’empreinte qu’avait laissée cette personne auprès des populations et sur les miracles accomplis auprès de ceux qui demandaient son in-
tercession. Si l’évêque rendait un jugement positif, il se rendait auprès de la dépouille du défunt, retirait son corps du tombeau, le plaçait sur l’autel, l’entourait de cierges et de fleurs et célébrait une messe en grande pompe en son honneur. Cette cérémonie s’appelait une élévation et correspondait à notre actuelle canonisation.
Une chronique de l’abbaye de Lobbes XIV nous apprend que l’élévation d’Erme eut lieu au temps où Francon était abbé de Lobbes entre 856 et 903, précisément en 900.
La commémoration de l’élévation du corps de Saint Erme, qui était la deuxième fête du saint avait, lieu à Lobbes le 20 octobre.
Entre 880 et 892, les Normands envahirent cette région de la Belgique. (Ils remontaient le cours de la Meuse.) Au cours de ces raids, ils pillaient et semaient la mort dans toute la contrée. Lors de ces périodes d’insécurité, le culte des saints se faisait particulièrement vivant dans le peuple.
Si les Normands ont laissé de mauvais souvenirs, ce furent les Magyards qui terrorisèrent le plus les habitants de cette région orientale du royaume franc. Poussés vers l’Ouest par les Petchenègues, une peuplade de
race turque, les Hongrois venus de l’Oural méridional se répandirent dans le bassin du Danube et poussèrent des raids à travers l’Allemagne jusqu’en Lorraine et même en Aquitaine. Ils effrayaient davantage par leur férocité que les Sarrasins.
C’est ainsi qu’ils arrivèrent au début de 955 au voisinage de Lobbes. Gilles Waulde
Cf. I Thys Sylloge de SS Ursmari, Ermini, Abelis, Amuluini, Theodulphi ec Dodonis translavionibus (A.A.S.S. Belgü T IV P. 324)
A leur approche, les moines se retirèrent dans l’église qu’ils transformèrent en camp retranché. Ils avaient auparavant caché les reliques de leurs saints patrons.
Le 2 avril, jour de Quasimodo, les Hongrois apparurent ainsi qu’«un nuage noir et épais formé d’hommes et de chevaux. Des entrailles de la terre semblaient sortir des cuirasses et des casques par milliers».X
Les moines les plus robustes se préparèrent au combat avec les habitants du village, tandis que les plus âgés se retiraient à l’abbaye. «Tous se préparaient à la mort.»
Les Hongrois décapitèrent ou rouèrent de coups ceux qu’ils trouvèrent dans l’abbaye puis donnèrent l’assaut à la colline.
Lorsque les assiégeants furent sur le point de parvenir au faîte, moines et villageois, tout en combattant, invoquèrent Saint Ursmer et Saint Erme.
On vit alors deux colombes s’élever à partir du lieu où étaient dissimulés les corps des deux saints patrons et faire trois fois le tour de l’armée ennemie.
Au troisième tour, une pluie épouvantable survint, qui détendit les arcs des barbares.Saisis de crainte, Les Hongrois s’en allèrent épouvantés.
Les religieux attribuèrent toute la gloire de cette délivrance à la protection de Saint Erme et de Saint Ursmer. Une fête fut instituée le 2 avril de chaque année jusqu’à la destruction de l’abbaye pour commémorer cet événement.
D’après l’abbé Vos, auteur d’un livre sur l’abbaye de Lobbes, une chronique manuscrite atteste que les Hongrois hivernés en 1755 à Lobbes, déclarèrent aux religieux qu’ils avaient vu dans leur pays plusieurs tableaux
représentant cette fuite de leurs aïeux.
Peu après l’invasion des Hongrois, le jour de Noël 965, Folcuin reçut la bénédiction abbatiale. Ce personnage cultivé se consacra à la restauration de l’abbaye. Il l’enrichit de sculptures, de peintures, de cloches et
d’objets d’art.
Il obtint de l’empereur d’Allemagne Othon III, pour l’abbaye, la confirmation de nombreux privilèges et, pour l’église supérieure où sont enterrés Ursmer et Erme, l’établissement d’un canonicat de douze chanoines à
perpétuité au lieu de chapelains placés par l’abbé Fulrade (vers 820). Folcuin
Saint Erme et Saint Ursmer protègent la contrée contre les feux.
Les chroniques rapportent que vers 1050 la province fut régulièrement ravagée par les feux. (Il s’agissait vraisemblablement de périodes de sécheresse) Les Habitants de la contrée instituèrent sur les limites de leur
territoire une procession dans laquelle on portait les reliques XVII de Saint Pierre Apôtre dont l’abbaye était détentrice ainsi que les corps des deux Saints évêques. Les feux s’arrêtèrent suivant les limites ainsi tracées.
Les mêmes chroniques rapportent qu’un hydropique recouvra la santé au passage du cortège et qu’un villageois haineux fut frappé de cécité puis, repenti, recouvra la vue.
L’écroulement d’un pont sous le poids des chariots en provenance d’Herly (1056)
En ces jours-là, un convoi arrivait d’Herly (actuellement «Saint-Erme», le village propriété de l’abbaye) chargé de nombreux tonneaux de vin. (Saint-Erme était donc bien, à l’époque, un lieu où poussait abondamment la
vigneXVIII.) Les eaux de la Sambre étaient gonflées par les orages et, alors que la quatrième équipage s’aventurait sur le pont, celui-ci s’effondra. Malgré les apparences il n’y eut aucune victime. Ce miracle fut attribué à Ursmer en raison d’un songe que fit un vénérable moine du nom de Wazin auquel Saint Ursmer était apparu. L’intervention miraculeuse d’Ursmer fut à l’origine d’un prodige qui permit aux charretiers de recouvrer leur liberté et de récupérer leurs biens. Le prévôt Oilbaud restaure à grands frais l’église de Lobbes (1077) et malmène de nombreuses reliques. Cet épisode est narré dans un écrit appelé : «mémoire curieux» rédigé en français par un auteur anonyme (1530) ; il est dit comment, au XIème siècle (vers 1080) un prévôt appelé Oilbaud, procédant à un agrandissement de l’église, profana les corps des Saints abbés :
«En défaisant le pavement du vieux chœur, tous les corps des Saints abbés qu’il trouva en grand nombre, lesquels avaient vécu si saintement et religieusement, il les ôta tous et fit faire de grandes patelles dans les murs du nouveau chœur et là les mit par grand tas entassées.»
L’Eglise supérieure conservait le corps de Saint Erme et l’Eglise abbatiale en gardait le chef placé depuis 1036 dans ou derrière l’autel (Folcuin Gesta abbatia Lobiensis Chap. 10). Il était fait interdiction, par respect pour les reliques de Saint Pierre, de faire des sépultures dans l’enceinte de l’abbaye, mais pas d’y tenir des reliques.
Le polyptyque des biens de l’abbaye rédigé en 868 – 869 par les soins de l’évêque de Cambrai sur les ordres du roi Lothaire indique que les paysans de Saint-Erme cultivaient le raisin et qu’ils versaient à Lobbes un muid de vin par tenure. Le monastère avait en outre des vignobles qui lui rapportaient annuellement 200 muids de vins (environ 54.800 litres). La corvée de livraison du vin faisait vraisemblablement partie des obligations des paysans.
«En quoi ledit Oilbaud fit très mal car plusieurs prélats et notables personnages avaient des tombes de marbre sur lesquelles était écrit qui ils étaient, desquelles il a ôté la connaissance à leurs successeurs par le
«remouvement» desdits tombeaux, même le corps de Saint Anson qui le premier avait écrit la vie de Saint Ursmer et fut prélat après Thion XIX, il l’a transporté en autre place dans le mur du nouveau chœur…»
On ne peut que s’étonner qu’un restaurateur trop zélé ait ainsi pu impunément détériorer les sépultures des Saints Abbés, même si on est rassuré en ce qui concerne Ursmer et Erme dont les corps se trouvaient dans des «gisants» et non sous le pavement du chœur.
Cependant, dans la «Gesta Continuata», suite de la «Gesta abbatium Lobiensum» de Folcuin, il est indiqué que l’abbé Alétran avait fait restaurer, à la fin du Xème Siècle, les châsses des deux Saints abbés Ursmer et
Erme et les avait fait garnir de lamelles d’or. Précisément Oilbaud fit enlever les ornements précieux qui décoraient le tombeau de Saint Erme et en fit présent au chapitre.
Ce chapitre composé de douze chanoines avait été institué par Folcuin en l’église de la colline en 973.
Les reliques de Saint Erme sont réclamées à Herly pour protéger le village contre les exactions de Thomas de Marle. Les moines envoient celles de Théodulphe (1104) – (Récit de Warichez – Histoire de l’abbaye de Lobbes des origines à 1200 – pages 116 à 118 – d’après la Gesta Continuata – Complété par des notes de l’auteur.)
La villa d’Ercliacum, avec les terres environnantes, constituait le présent de Saint Erme à l’abbaye. (…) Les prélats de Lobbes y établirent une succursale. Quelques moines et, à leur tête, un prieur furent commis àl’exploitation de ces propriétés, en particulier des vignobles dont on amenait le vin à l’abbaye-mère. Un des chefs de cette filiale, Liezon, passa en 1192 à l’abbatialité de Lobbes.
Il faut raconter ici un épisode suggestif pour l’étude des mœurs et des idées religieuses à cette époque. Il s’agit des restes mortels de Saint Erme (mort en 776) levés de terre en 900.
Théodulphe

Dans l’esprit du temps, les saints patrons constituaient les vrais propriétaires des biens de l’abbaye. Nous avons précédemment déjà fait allusion au parti que les moines tiraient de cette fiction, lorsqu’il s’agissait de récupérer des propriétés injustement enlevées. L’usurpateur se trouvait ainsi en présence, non pas de moines impuissants, mais d’un personnage surnaturel dont la colère était redoutable.

A cette époque le voisinage du seigneur de Montaigu était pour le village de Saint-Erme une source continuelle de conflits.
Le châtelain et ses soudoyés firent main basse sur quantité de possessions du prieuré. Pour mettre un terme à ces déprédations, Liezon, en 1104, demanda à l’abbé de Lobbes la translation au prieuré du corps de Saint Erme. Le spoliateur serait dûment convaincu que celui qu’il volait n’était pas un religieux sans défense, mais un Saint, le vrai propriétaire de l’endroit. A Lobbes on hésita à accéder à ce vœu.
D’une part, Erme constituait, avec Ursmer, les deux «patrons spéciaux» de l’abbaye. Les diplômes impériaux concédés à Lobbes sont donnés «pro abbatia Laubias dicta, ûbi pretiosissima Christi confessorum
Ursmari et Ermini requiescunt CorporaXXII».
D’autre part, les habitants d’Herly témoignaient à Saint Erme une grande vénération. Ne seraient-ils pas tentés de garder de force ses précieux restes ?
Les plus rusés des moines inspirèrent un subterfuge. On décida d’envoyer sous le nom de Saint Erme, les reliques de Saint Théodulphe. En gens avisés et prudents, ils sauvegarderaient ainsi à la fois l’intégrité de leur
prieuré et leur intérêt propre. Saint Théodulphe, qui n’avait pas encore opéré de miracles, leur paraissait de peu d’importance à côté de Saint Erme dont les reliques étaient glorieuses.
Les restes de Saint Théodulphe furent ainsi transportés à Herly. On les traita comme s’ils avaient été ceux du patron vénéré. Mais aucun miracle ne signala leur présence. Aussi ne fit-on preuve d’aucune insistance
pour les retenir.
Elles reprirent sans opposition le chemin de Lobbes et reprirent leur véritable nom.
Cf. Gesta continuata, c. 11
Thomas de Marle était le fils d’Enguerrand de Coucy. Il avait hérité ce bien de sa seconde femme, fille du seigneur de Coucy.
A cette époque, la région de Laon était également le théâtre des hostilités entre Henri IV, empereur d’Allemagne, et Robert II, comte de Flandres. Des troupes nombreuses cantonnèrent dans ce secteur et dévastèrent le prieuré d’Herly.
Ibidem, c. 12 –
Ibidem, c. 15 : deceverunt…ut sub nomine beati Ermini sanctus Theodolfus illuc transferretur, de cujus, si fort id evenisset, amissione tamquam eatenus nullo miraculorum opere cogniti, minus aecclesiae damnum inferretur.
Gilles Waulde ajoute : «Il n’y eut point en ceci d’intérêt ni fraude, ni déception préjudiciable puisque faisant honneur et révérence à ce qu’ils recevraient, la religion ne serait violée, d’autant que vraiment ils devraient honorer celui qui était très heureux et saint.»

Mais, au cours du voyage, voici que Saint Théodulphe, arrivé à Valenciennes, opéra soudainement force prodiges : nombre d’aveugles, de boiteux, de possédés obtinrent leur guérison. C’en fut assez pour que les valenciennois refusent de laisser sortir de leurs murs le thaumaturge. En vain les moines voulurent profiter des ténèbres de la nuit pour s’échapper subrepticement. La châsse de Saint Théodulphe fut ramenée de force dans la ville par la foule de ceux qu’animaient la reconnaissance ou l’espoir. Il fallut notifier à l’abbaye le côté critique de la situation et demander une solution à la difficulté.

A Lobbes, on décide de recourir au moyen suprême. Saint Ursmer est toujours le grand maître du monastère. C’est à lui qu’en toute circonstance les religieux vont porter leurs plaintes sur la montagne, «et jamais ils n’en descendent que le Saint ne se venge». Ce sera à lui-même devenir à Valenciennes délivrer Saint Théodulphe de sa captivité.
Le succès du procédé répondit à leur attente. La crainte et le respect de Saint Ursmer eurent raison de l’obstination des habitants de Valenciennes et les deux châsses revinrent à Lobbes reprendre leur place dans
le sanctuaire.
Ces événements se déroulent en 1104 sous l’abbatiat de l’abbé Fulcard.
La translation des reliques de Saint Ursmer, Saint Erme et Saint Théodulphe, de l’église de Lobbes à l’église Sainte Marie de Binche. Cette «translation» ou «transport» se fit sans esprit de retour car le chapitre Saint Ursmer de Lobbes s’était lui-même transporté définitivement. C’est depuis ce jour, le 11 juillet 1408, que le tombeau de Saint Erme à Lobbes ne contient donc plus les restes du Saint.
Binche est un bourg distant d’une dizaine de kilomètres de Lobbes. L’église paroissiale Sainte Marie fut rapidement mise sous le vocable de Saint Ursmer.
Les circonstances de cette «translation» sont les suivantes : à cette époque, une guerre mettait aux prises les princes de la région pour la possession de la ville de Liège. Les troupes de Guillaume de Bavière qui était
de sinistre réputation s’approchèrent de Lobbes. Les moines se réfugièrent dans la place forte voisine de Thuin avec leurs précieuses reliques. La ville dut se rendre. Guillaume pilla la ville mais épargna les reliquaires auxquels il assigna désormais la ville de Binche où ils seraient davantage en sécurité.
Miracula Ursmari, c. 15, AA. SS. aprilis, t. III, p. 565
Cérémonies de 1459
Les habitants de Binche vouèrent un culte très grand à Saint Ursmer, Saint Erme et autres Saints de l’abbaye.
Les ducs de Bourgogne, souverains des lieux, dotaient richement l’église et le chapitre de Saint Ursmer et honoraient ses Saints.
L’évêque de Cambrai, Jean de Bourgogne, décida de mettre les Saints patrons dans des châsses plus luxueuses et organisa une cérémonie d’un retentissement exceptionnel auquel tout le peuple fut invité à s’associer.
Les fêtes durèrent trois jours (13, 14 et 15 octobre).
Le transfert des corps fut accompli en présence de notaires attestant de leur identité et de leur conservation entière.
Cependant les chefs de Saint Ursmer et de Saint Amalbergue furent séparés du corps et mis dans des châsses d’argent, probablement parce qu’ils étaient les mieux conservés.
La translation de 1459 donna lieu chaque année à une fête célébrée le 14 octobre.
Ainsi, si l’on tient compte des commémorations communes, Saint Erme était fêté six fois chaque année :
  • Le 2 avril : commémoration des mérites de Saint Ursmer et de Saint Erme qui, en ce jour, délivrèrent les habitants de Lobbes de la fureur des Hongrois.
  • Le 26 avril : anniversaire de sa mort au lieu du 25, jour de Saint Marc.
  • Le 2ème dimanche après la nativité de Saint jean Baptiste, le 24  juin pour commémorer à Binche la translation des reliques des Saints de Lobbes en 1408.
  • Le 23 septembre : commémoration commune de tous les Saints de Lobbes.
  • Le 14 octobre : commémoration à Binche de la translation de 1459
  • Le 20 octobre : fête de l’élévation du corps de Saint Erme. (Le propre de Soissons commémore Saint Erme le 26 ou le 27 avril.)
Les habitants de Lobbes eurent du mal à accepter le transfert des reliques de leurs Saints et les réclamèrent au point que Charles le Téméraire allait y souscrire quand il mourut en 1477 sous les murs de Nancy.
En 1479, ils envoyèrent une députation à Marguerite de Bourgogne, veuve de Charles qui promit de faire le partage des reliques, mais les circonstances ne s’y prêtèrent pas et Binche resta en possession des reliques.
Le 18 août 1481, l’évêque de Cambrai authentifia à nouveau les reliques.
Saint Théodulphe, Sainte Ulgise, Saint Abel, Saint Hydulphe, Sainte Amalbergue, Saint Amoluin
Autres circonstances
Au mois de juin 1546, un violent incendie détruisit une grande partie de l’abbaye et notamment la bibliothèque où se trouvait, entre autres manuscrits d’un prix inestimable, le fameux poème de Saint Erme.
En 1578, alors qu’Ermin François était abbé de Lobbes, des troubles éclatèrent dans la région. L’abbaye fut pillée, les reliques de nos Saints furent préservées grâce à la piété des chefs de guerre.
Ce fut également Ermin François qui échangea le prieuré d’Herly avec celui de Houdain dépendant jusque là de Saint Rémi de Reims.
Sous son abbatiat, l’évêque de Cambrai vint authentifier les reliquaires et constata qu’ils n’avaient pas été profanés. Il détacha deux petites reliques du corps de Saint Ursmer dont une phalange de doigt qu’il fit re-
mettre avec les pièces justificatives à la paroisse de Villereille-les-Brayeux (à quelques kilomètres au Nord de Lobbes) dont le Saint patron était Ursmer (1593)I.
En 1595 une confrérie fut établie à Binche en l’honneur de Saint Ursmer, Saint Erme et de leurs compagnons.
L’abbé Ermin François mourut le 28 mai 1598. Comme il avait une grande dévotion pour son Saint patron, Saint Erme, il avait témoigné le désir d’être enterré à la tête de son cénotaphe. Cependant, il ne fut pas pos-
sible d’accéder à sa demande en raison de l’exceptionnelle dureté de la terre à cet endroit (vraisemblablement les fondations de la crypte). La pierre tombale de Dom Ermin François est aisément visible aujourd’hui dans la crypte de l’église.
La montée de l’esprit révolutionnaire
Dès 1787, les signes avant-coureurs annonçaient la révolution et les moines furent l’objet de tracasseries en tous genres de la part des autorités civiles.
En 1789 et 1790, un certain nombre d’exactions eurent lieu dans le but de piller le monastère ; Il faut dire que les moines étaient à l’époque considérés comme proches des royalistes qui, d’ailleurs, les soutenaient face
aux sévices qu’ils subissaient.
Ils en vinrent à des voies de fait en la personne de l’aide-receveur, un certain Alexandre Baudoux.
En 1791, les outrages se poursuivirent et les moines furent rançonnés à plusieurs reprises par les autorités civiles.XXVI
Cette phalange serait vraisemblablement la relique dite «dent de Saint Pierre» actuellement conservée au presbytère paroissial de Lobbes (voir notes de Louis de Roubaix, curé de Lobbes 1919-37).
Cependant la dévotion populaire se poursuivait à l’occasion des fêtes des Saints (Ursmer, Erme et leurs compagnons Abel, Ulgise, Amoluin, Hydulphe et Amalbergue) : «chacun des corps était enfermé dans un reliquaire d’argent d’un travail remarquable».
Outre ces huit reliquaires, on en portait cinq autres d’argent aussi artistiquement travaillés et contenant les chefs des Saints Ursmer, Amoluin, Abel,Hydulphe et Amalbergue. On ne possédait plus les chefs des autres bienheureux.
Le chef de Saint Erme aurait-il été volé ?
Cela semble douteux car on ne retrouve aucune relation à ce sujet.
D’autre part, il avait été indiqué plus haut que deux chefs (de Saint Ursmer et Saint Amalbergue) avaient été séparés lors de la translation de 1549. Folcuin nous avait appris que le chef de Saint Erme avait été placé dans le chœur de l’abbaye en 1036.
D’autre part, l’énumération de l’inventaire dressé le 6 Nivôse par les révolutionnaires de l’an III (26 décembre 1794) confirme la présence des huit reliquaires en forme de bière et les grands bustes d’argent, mais il indique sans ambiguïté que chef et reste du corps sont au complet.
VII .     Fin de l’histoire
La destruction de l’Abbaye de Lobbes
Le sort des restes de Saint-Erme

En France, Robespierre faisait régner «la terreur». Il venait d’instituer le culte de l’Etre Suprême et n’allait pas tarder à être renversé lui-même (27 juillet 1794).

A l’extérieur l’armée de Sambre et Meuse commandée par Jourdan approchait de la Sambre à la rencontre des Autrichiens. On était en mai 1794.
Le 11, le général Charbonnier de l’armée des Ardennes se trouva au voisinage de l’abbaye. Prévenus par les troupes autrichiennes, les moines évacuèrent les lieux quelques instants avant l’arrivée des troupes françaises.
Le général Charbonnier mit le feu à l’ensemble des bâtiments. Le pillage succéda à l’incendie avec un esprit de profanation. L’église paroissiale fut ensuite l’objet du comportement sacrilège des soldats et plusieurs maisons du village furent dévastées.
Les habitants de Lobbes procédèrent ensuite au pillage des matériaux dont certains vestiges (des corniches sculptées par exemple) sont aujourd’hui reconnaissables sur des maisons de la région. Le municipal Lebrun fit enlever et casser les cloches (seize en tout).
L’état actuel de l’abbaye témoigne de ce qu’il s’est passé en ces jours. Il ne reste que des bâtiments à usage professionnel (la ferme et la brasserie) récupérés et restaurés par les acquéreurs. L’abbaye proprement dite
n’existe plus, sauf la « portelette ». En effet, ceux qui l’ont achetée aux autorités civiles l’ont acquise en vue de récupérer les pierres et, de ce fait, ont démoli toutes les constructions. Ainsi périt, en ce 11 mai 1794, une abbaye vieille de dix siècles, à la manière d’un grand vaisseau qui sombre en emportant avec lui tout un passé de siècles de souvenirs.
Devant la menace des républicains, les chanoines de Binche avaient résolu de mettre à l’abri leurs précieuses reliques et les cachèrent à Mons, chez un certain Hossart, au 12 de la rue de la Poterie et, parmi elles, les
corps de Saint Erme et de Saint Ursmer dans leurs riches reliquaires ainsi qu’un certain nombre d’objets de grande valeur.
Le secret finit par être éventé et, le 18 octobre 1794 vers le soir, les citoyens Lhoest et Vanderpepen, en leur qualité de conseillers municipaux de la ville de Mons, se rendirent chez le citoyen Hossart. Celui-ci était absent. Lorsqu’il rentra, ils le conduisirent à la maison d’arrêt où il resta vingt jours et procédèrent à une fouille systématique. Le lendemain, 19 octobre, les agents rassemblèrent les trésors et, sous la conduite du commissaire Lamotz, sortirent en une dérisoire et sacrilège procession. Les reliques de Saint Erme et de Saint Ursmer furent conduites sur un chariot au milieu de la place de Mons et brûlées après avoir été arrachées des reliquaires. Les cendres furent dispersées au vent. Les ossements de Saint Amoluin et Saint Théodulphe furent cependant épargnés et récupérés plus tard par l’église de Binche.
Ainsi 1057 ans après sa mort, Saint Erme est retourné à la terre, mais son souvenir reste présent puisque son village natal porte son nom et que sa paroisse lui est consacrée.
Reste-t-il présent par un poème qu’il consacra à son ami Ursmer et qui nous est parvenu par un manuscrit du début du XIème ? C’est ce que nous allons maintenant étudier.
Actuellement, on peut voir à Lobbes le tombeau de Saint Erme ; le gisant décoratif en bois en très mauvais état de conservation a été détruit cependant que celui d’Ursmer a été récupéré pour restauration par les auto-
rités belges à l’issue d’une exposition sur la Thudinie en 1976. Mais, à ce jour, il n’a pas retrouvé sa place.
VIII .    Le manuscrit 77 de la bibliothèque de Verdun
Le poème acrostiche de Saint-Erme
Dans une écriture caroline du début du XIème siècle, il se trouve à la bibliothèque de Verdun un manuscrit répertorié sous le numéro 77. Il contient :
  • Premièrement : une vie métrique de Saint Ursmer, œuvre de l’abbé Hériger mort en 1007. Cette paternité est incontestée ; Hériger nous en est indiqué comme l’auteur par le continuateur de la chronique de Lobbes après Folcuin :«Herigerus… scriptsit metrico stilo vitam S Ursmari.» L’intitulé du manuscrit 77 fait d’ailleurs référence à son auteur. Cette vie métrique a été écrite avant la Gesta episcoporum leodiensium puisqu’il en cite cinq vers et se désigne lui-même : «quidam metricanus».
  • Deuxièmement : Entre ces deux vies métriques se trouve intercalé un poème d’un genre tout différent (feuillets 23 et 24) à la gloire de Saint Ursmer.Il s’agit d’un hymne acrostiche en vers trochaïquesXXVIII dans lequel chaquestrophe commence par une lettre de l’alphabet.Ce poème ne comporte pas de titre ni de nom d’auteur.
  • Troisièmement : une vie métrique de Saint Landelin (fondateur de l’abbaye de Lobbes). Les érudits estiment qu’il y a de fortes présomptions que cette seconde vie soit également d’Hériger.
A vrai dire, le travail du copiste semble inachevé puisque seules les lettres de A à H sont dessinées en rouge et en caractères gras, les suivantes étant manquantes.
Or Anson, auteur de la Vita Ursmari, indique dans sa préface : «Sed quamvis ex plurimis pauca queam prodire quae a quodam scripta reperi.» («Bien que j’aie cherché dans beaucoup d’endroits, j’ai dû me borner à
reproduire le peu de faits que j’ai trouvé écrit par un certain auteur.»)
Au dernier paragraphe du même manuscrit il ajoute : «Sed et de virtutibus sui magistri antecessorisque Versus composuit iuxta elementorum summam.» (Vita Ursmari C. 8).
Acrostiche signifie que les initiales des vers ont des strophes commençant par une lettre formant verticalement un mot. Dans le cas présent, au lieu d’un mot il s’agit des lettres de l’alphabet à la suite.
Trochaïque signifie que le pied (ou la syllabe) est composé de deux syllabes, une longue et une brève ; le temps marqué étant sur la longue.

Mais il compose des vers destinés à accompagner un récit complet des vertus de son maître et prédécesseur.

De son côté, l’interpolateur anonyme (déjà cité plusieurs fois) de la Vie de Saint Erme indique au chapitre 5 : «De cuius vita luculen Fissine editus apud nos hobetas libellus. Sed et a sancto Ermino de eius virtutibus extant versus compositi ad summam elementorum per alfabetum distincti.» («Sur la vie de Saint Ursmer nous possédons un ouvrage remarquablement complet. Nous avons aussi, sur ses vertus, un poème en vers composé par Saint Erme dont les éléments sont disposés en ordre alphabétique.»)
L’ensemble des auteurs admettent ainsi que Saint Erme a écrit un poème dont les strophes se suivent dans l’ordre alphabétique et que ce poème a servi de source écrite originale à Anson.
L’existence de ce poème est d’ailleurs attestée par Gilles Waulde dans son livre : «La vie de Saint Ursmer et de sept autres Saints». «Ce fut lui (Saint Erme) qui tout le premier fit un abrégé admirable, selon les éléments de l’alphabet qui comprenait succinctement la vie excellente de notre Saint Patriarche Ursmer, (…) mais hélas au grand malheur ! Ce sacré trésor, qui avait été tant d’années conservé, périt l’an 1546 quand la bibliothèque de Lobbes fut réduite en cendres.»
Cette disparition est déplorée par Henschen ainsi que par les auteurs de l’Histoire littéraire de la France.
Précisément, le poème retrouvé à Verdun correspond parfaitement à ces critères :
  1. Il est écrit à la gloire d’Ursmer ;
  2. Il est alphabétique ;
  3. En outre, il correspond presque mot à mot au texte d’Anson, au point que le récit paraît tout à fait avoir été écrit à partir de ce poème ;
  4. Le poème ne comporte aucune adjonction telle que des miracles accomplis par Saint Ursmer depuis les écrits d’Anson. Or, on sait, d’une part, qu’Ursmer accomplit beaucoup de miracles après sa mort et que, d’autre part, l’un des objets de ce genre de poème consiste justement à exposer les mérites du personnage qu’on veut proposer en exemple et les miracles obtenus par son intercession ; Le deuxième vers de la strophe D comporte la mention : « nostra datum saeculo » c’est-à-dire : « donné à notre siècle ». Cette expression signifie que l’auteur du poème est contemporain de la personne dont il est question dans ce poème – ce qui est bien le cas de Saint Erme.

Tout semble accréditer la thèse que Saint Erme est bien l’auteur du poème acrostiche de Verdun « manuscrit 77 » en l’honneur de Saint Ursmer, son prédécesseur à la tête de l’abbaye de Lobbes.

Avant d’aller plus loin dans la discussion il serait bon d’indiquer comment nous avons retrouvé l’existence ce document : les recherches bibliographiques m’ont amené à consulter un grand nombre d’ouvrages à la Bibliothèque Nationale. Au hasard de ces fouilles, j’ai constaté que les auteurs qui évoquaient Saint Erme faisaient tous allusion à ce poème de Saint Ursmer, qui a été conservé à l’abbaye de Lobbes jusqu’à l’incendie de 1546 au cours duquel il a été détruit.
Les auteurs antérieurs à 1546 attestent la présence du manuscrit de Saint Erme, cependant que ceux qui écrivent après l’incendie déplorent sa disparition. Aucun ne fait allusion à une copie qui aurait pu exister dans une autre bibliothèque. Pour eux, le manuscrit est perdu et c’est une perte inestimable.
Toutefois, Dom Gérard Morin, moine de l’abbaye de Maredsous au XIX siècle a accédé aux archives de la bibliothèque de Verdun et constaté la présence de ce poème dont il a fait l’analyse et la transcription.
Cet érudit a conclu que Saint Erme en était bien l’auteur.
Je ne pensais pas retrouver ce manuscrit car la guerre 14-18 a gravement éprouvé cette région. Je me suis néanmoins rendu sur place et, à ma grande satisfaction, j’ai pu le retrouver et en obtenir copie.
Cependant, cette opinion suivant laquelle Saint Erme est l’auteur du poème trouve un contradicteur en la personne de Wilhem Lévison qui en consacra un article dans la revue allemande « Neues Archiv » en
1905.
Cet érudit, se basant sur les hymnes d’Arisbert (684), estimait que la langue latine du poème y était exempte des «barbarismes» qui caractérisent, selon lui, les ouvrages de la période où Erme a écrit.XXX
Pour Lévison, l’époque où Erme dut écrire son hymne est antérieure au grand mouvement littéraire et culturel de la Renaissance Carolingienne dont le foyer serait en Allemagne.
Des spécialistes des querelles littéraires m’ont invité à prendre les affirmations de Lévison avec prudence. En effet, 1905 est l’époque de l’expansion de l’empire allemand ; reconnaître qu’un texte, dont l’auteur n’est
pas allemand, puisse être de bonne qualité littéraire antérieurement aux auteurs germaniques serait, pour les Allemands de l’époque, politiquement inacceptable !
Le manuscrit, s’il est bien l’œuvre de Erme a été écrit entre 713 – date de la mort de Ursmer (puisque l’objet du poème est de faire l’éloge du vertueux personnage) – et 737 – date de la mort de Saint Erme.
L’argumentation de Lévison est la suivante :
On sait que Rathier, choqué par les barbarismes du langage d’Anson, a corrigé le texte du manuscrit de cet auteur pour le rendre plus attrayant sans rien y ajouter ni retrancher (vers 936 – 938).
Or, en comparant le texte d’Anson, le texte corrigé de Rathier et l’hymne acrostiche, Lévison suggère que le texte du poème concorde avec la version corrigée de Rathier et non avec le texte primitif d’Anson.
Ainsi la liaison s’établirait comme suit : (Anson, Rathier, poème) et non poème, Anson, Rathier.
Au sujet du fameux « Nostro Datum Saeculo » Lévison estime que Nostro Saeculo » peut bien signifier «à notre monde». (Concordance de lieu et non de temps.)
Cependant, à notre avis, cette traduction n’est pas valable : Il est exact que « Siècle » peut, en principe, suggérer une concordance de lieu aussi bien qu’une concordance de temps. Mais lorsqu’il veut dire «le Monde» et non l’époque, cela sous-entend le monde laïc opposé au religieux Venant d’un moine qui a écrit ce poème on ne voit pas pourquoi il aurait attribué, dans ce contexte, à Nostro Saeculo un autre sens que celui qui se réfère à une époque.
Après avoir comparé les deux textes (Anson et Rathier) je ne suis pas convaincu par Lévison. Je laisse à de grands spécialistes le soin d’accréditer ou de démentir la démonstration de ce dernier qui s’adressait à un public acquis d’avance à cette démonstration. Pour cela je joins le « comparatif » Anson et Rathier Poème dans les pages suivantes.
En résumé :
  • Le poème est alphabétique.
  • Il correspond très exactement à la bibliographie d’Ursmer rédigée par Anson sans adjonction ni soustraction de sorte que l’on peut considérer ce poème comme la source écrite dont il fait état.
  • Les mots : «Nostro Datum Saeculo» peuvent, avec un maximum de vraisemblance, compte tenu du contexte, suggérer une concordance de temps.
  • Quant à la technique du poème, un argument nous est donné par Monsieur Gérard Blangez. Le poème est écrit suivant un mode qu’on retrouve dans le «Pange Lingua». Il est composé de vingt-trois strophes de quinze syllabes coupés (huit + sept) avec accent à la septième et troisième syllabes, rimé (sauf quelques exceptions) y compris souvent à la césure.
Voir en annexe cette analyse comparative.

Cette technicité, tout à fait à l’honneur de notre auteur, est impensable de la part d’un écrivain du Xème et début XIème, qui considérait ces procédés comme archaïquesI. En effet, les auteurs de cette époque ne se seraient pas «abaissés» à écrire suivant cette technique.

Conclusion proposée
Nous sommes donc bien en présence du poème écrit par Saint Erme, mais dans une version peut-être légèrement corrigée des archaïsmes.
Ceci se comprendrait d’ailleurs aisément : cet hymne devrait être chanté par les moines, en particulier lors de la vigile de la fête de saint Ursmer. On imagine mal que quelque lettré ne l’ait pas rendu plus conforme à la langue du temps, surtout compte tenu du fait que ce poème avait été écrit avant l’épanouissement littéraire de la renaissance carolingienne.
Nous ne faisons pas autrement quand nous reprenons, pour le rendre plus assimilable, un texte du Moyen-âge. Nous ne lui enlevons pas pour autant forcément son souffle et sa richesse d’invention. Cela demande néanmoins beaucoup de connaissances, de soin et d’attention de la part du «transcripteur».
On pourrait même, s’il y a correction, imaginer l’auteur de cette modernisation. Deux hypothèses viennent à l’esprit :
  • 1ère hypothèse : Rathier : il a corrigé le manuscrit d’Anson, il a très bien pu corriger l’hymne de Saint Erme sur le même sujet.
  • 2ème hypothèse : Hériger : l’hymne se trouvait broché entre une vie métrique d’Ursmer écrite par Hériger et une vie métrique de Landelin qui lui est attribuée. Cette constatation peut constituer une certaine présomption.
Ce qu’on sait par ailleurs d’Hériger plaide pour une telle hypothèse. Comme l’écrit Wacrichez, Hériger était plutôt un compilateur et un remanieur qu’un auteur inspiré.
Citons Warichez : Tous ses remaniements visent à « l’eloquantia » et à la « leporis urbanitas ». Il accommode, selon les formules littéraires de sont temps, des œuvres antérieures qui, à son avis, ont le grand défaut de manquer d’élégance.
Voir, par exemple, page 10 ce que pensait Rathier et ses contemporains de l’écriture du VIIIème siècle d’Anson.
Warichez 264
Si l’hymne avait été écrit par Hériger et non simplement « dépoussiéré », il serait impensable qu’il ne fasse pas allusion au miracle de saint Erme accompli 45 ans plus tôt et qui a tant marqué la région (invasion des Hongrois – page 44)

Comparaison

  • Anson
  • Rathier
Hymne (Extrait de Neues Archiv du Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtskunde 1905 – W. LEVISON)
Traduction de Gérard BLANGEZ
A toi salut, chaste épouse du Christ, sainte Eglise notre mère, élue par Dieu de toute éternité, marquée du sceau du Saint Esprit à travers les siècles.
Bénie est-tu, comblée par ton époux d’une descendance nombreuse. Belle mariée, réjouis toi du fruit nombreux de tes noces, dont la fécondité a produit un million de fils.
Ces fils, tu en fais les citoyens élus ornements de la Jérusalem céleste, parmi lesquels tu places le bon évêque Ursmer comme une pierre brillante et polie de l’édifice.
Dès avant de savoir qu’il pouvait être déposé dans son sein maternel, sa mère, par un avis céleste, eut le bonheur d’apprendre qu’il allait naître, donné en cadeau à notre siècle.
En effet elle vit en songe un vieillard lui présenter un enfant et en même temps un pain blanc pour le nourrir : « Reçois, dit-il, ce pain pour élever ton fils, Fils, dis-je, que portent tes entrailles maternelles : Dieu le Tout-Puissant prévoit qu’il naîtra pour lui amener bien plus de gens dans la patrie céleste. »
Gisant à nouveau endormie, elle voit en songe son fils qui sur une échelle gravissait les hauteurs du ciel : elle pouvait le suivre, mais non le rattraper.
Heureuse mère, informée sur son fils par ces visions, quand elle l’eut mis au monde et qu’il eut grandi, elle le fit instruire dans les sciences sacrées.
Jeune par l’âge, mais mûr par sa conduite, s’illustrant à chaque instant par la quantité de ses vertus, il mérita de recevoir successivement les ordres sacrés.
K. Dès lors, éclatant par la vertu de son amour de Dieu et des hommes, il est sacré évêque et adjoint au siège épiscopal, plein de tempérance, de justice, de…
L. … courage, de patience aussi dans l’adversité : excepté les martyrs, il n’y eut jamais personne qui ait supporté tant de si cruelles souffrances que
M. En particulier pendant neuf ans et dix semaines, il ne vécut que de nourriture liquide dont il usait avec modération.
N. Offrant à Dieu ses efforts, digne émule de Job, dans toutes ces difficultés il ne pécha pas en paroles, assidu à l’office tant que sa santé le permit.
O. le héros admirable par la renommée de ses miracles ! notamment dans le cas d’une religieuses délivrée du démon et guérie au seul contact dans son bâton.
P. Il soigna sa nièce qui souffrait d’une sanglante maladie de gorge et lui rendit la santé. Il guérit une maladie d’un simple signe de croix.
Quand il vit décliner ses forces physiques, voulant rassurer ses sujets sur son successeur, il s’adjoignit Erme élu à l’unanimité.
Roi des rois, Dieu maintenant te convoque en son palais du ciel. Le cortège des anges vient à ta rencontre. Réjouis-toi : les portes du paradis sont ouvertes !
Salut,notre avocat ! Salut notre excellent guide ! Salut, Ursmer, compagnon des saints ! Salut, toi qui règnes avec le Christ ! Salut, toi qui te souviens de nous !
Ton petit troupeau t’adresse ses prières pour qu’en ce jour de fête soient sauvés le clergé et le peuple des laïcs et aussi la pieuse équipe des Moines.
Viens dans nos sacrifices nous obtenir le pardon, que ta prière nous recommande auprès du suprême Pasteur et délivre de la souillure du péché ceux qui en sont salis.
X. O Christ, couronne lumineuse de tous les saints, force glorieuse et magnifique des confesseurs de la foi, sauve-nous par les mérites de ton ami Ursmer.
Y. Poussée par l’amour d’Ursmer notre petite communauté désire te dire un hymne de louange et de chant : daigne l’accepter dans ta douce clémence.I
Z. Au Dieu Jaloux soit la louange des hymnes, ainsi qu’à toi, Premier-né, Fils unique du Père, et qu’en même temps au Saint-Esprit soit la gloire suprême.
AMEN.
NDLA – Ces vers démontrent que le poème était destiné à être chanté, ce qui était toutefois sous-entendu par le genre de la contruction.

Remarques

A. opposition entre le Temps (per tempora) et l’Eternité (ante saecula). prae-electa = choisie d’avance ; prae-signata = marquée par l’excellence
C. civibus electis = les élus sont les citoyens et l’ornement de la Jérusalem céleste.
D. ma traduction commence par la fin de la strophe.
G. valere = avoir la force de, signifie souvent pouvoir.
K. karitatis geminae, la charité jumelle, c’est l’amour de Dieu et du prochain. infulatus = revêtu des bandelettes sacrées dans l’Eneïde, ici des ornements pontificaux. temperus etc. évoque les vertus cardinales, Justice, Courage, Tempérance. Il y manque Prudentia, je ne sais pourquoi.
M. me semble obscur. Est-il réduit à l’alimentation liquide par sa pénitence ou plutôt par une maladie du tube digestif ?
N. miles = un chevalier du Christ désigne un moine dont l’emploi est « la laus divina » =l ‘office.
P. la ponctuation est établie d’après les trois miracles mentionnés par les Petits Bollan distes.
Z. zelotes (dat. zeloti) se trouve dans Exode 20.5 et 34.14 = Dominus zelotes nomen ejus.
4 décembre 1983
G. Blangez
Ursmer souffrait des dents.

A partir de la transcription de Monsieur G Blangez, Monsieur Michel Albert, écrivain, a été inspiré et a proposé une traduction plus libre (moins fidèle).

Poème alphabétique sur Saint Ursmar
A
B
C
D
E
F
Salut, chaste épouse du Christ, Eglise notre mère,
choisie avant tous les siècles de siècles,
salut à toi désignée du fond des temps par le Saint-Esprit !
Femmes bénie, possédant la promesse d’une postérité nombreuse,
ornée par la joie des noces de multiples progénitures,
féconde mille et mille fois dans la troupe de tes fils !
Tu combles la Jérusalem céleste de citoyens élus,
parmi ceux-ci tu places le bon pasteur, le pontife Ursmer
comme une pierre qui a le brillant de la neige et le poli d’un miroir.
En vertu d’un don du Très-Haut sa mère, dans un siècle qui nous touche de près, obtient
de joyeuses réponses sur celui qui devait naître pour le ciel alors qu’il n’était pas encore
permis de connaître ce que formeraient ses entrailles
Un vieillard en effet présentait à sa vue un enfant
et pour le nourrir du pain blanc.
« Prends ce pain, dit-il, pour nourrir ton enfant. »
« Les entrailles maternelles amèneront avec prévoyance ce fils
à manifester la puissance divine
en de nombreux exploits profitables à la patrie. »
ciel élèveront ce fils aux plus hauts sommets, ce fils qu’on pourra suivre mais qu’on ne
pourra pas dépasser. »
G « Les amertumes de la vie se changeront pendant ton sommeil en visions, les échelles du
H
Cette heureuse mère n’ayant point de doute sur la voie à faire prendre à son fils.
une fois délivrée des soins de la tendre enfance,
fit suivre à cet enfant devenu adulte des cours de science sacrée.
mais déjà fameux par ses mérites en tous domaines,
fut jugé digne de recevoir le sacrement de l’ordre.
I (J) Ce jeune homme, prématurément mûri,
K
L
Auréolé par la force de sa charité,revêtu des ornements pontificaux il fut ensuite sacré évêque,mesuré dans son esprit d’équité, intrépide dans son souci de justice.
Imposant par sa longanimité, patient dans les malheurs, il n’y eut jamais personne en quelque temps que ce fût (sauf dans le cas des martyrs sous la torture) qui supporta de plus terribles épreuves.
M Il vécut pendant neuf ans dans la plus grande abstinence d’aliments substantiels lors
des espaces de sept jours (1). Il n’avait en effet pas de dents et devait être sobre, fuyant tout excès.
N
O
P
Q
R
Egal à Job dans son zèle et des engagements il ne se laissa aller à aucune faute dans l’adversité, au-dessus des louanges par son humilité même et par sa résignation.
Homme dont la vertu devrait être proclamée par le crieur public, il délivra du démon une religieuse et la guérit après l’avoir touchée à plusieurs reprises d’un petit bâton.
Il guérit une femme atteinte d’une maladie sanglante à la gorge et rétablit la santé de sa nièce (2) par un signe de croix.
Choisissant, la vieillesse venue, ceux qui étaient susceptibles de lui succéder, mais voulant prendre de sûres garanties, il choisit entre tous ERME d’un signe de la main.
Le Roi des Rois maintenant t’appelle aux palais de Là-Haut.
Que le ciel des Anges les plus saints vienne au-devant de toi !
Réjouissez-vous car voici que s’ouvre le Paradis plus délicieux de les délices !
Salut, notre saint patron, salut, maître excellent, salut, pasteur glorieux au milieu des saints, Ursmer, toi qui règnes déjà avec le Christ, salut, toi qui te souviendras de nous !
Le petit troupeau (3) de tes suppliants te demande, en une immense prière, de sauver ton clergé et ton peuple ainsi que la troupe dévouée de tes moines.
Que ton oraison nous recommande au Pasteur suprême, Que ton intercession éloigne de nous le déshonneur du péché !
S
T
U (V) Accorde-nous ta grâce en nous demandant des sacrifices.
X
Y
Z
Christ, que la couronne ruisselante d’éclats de tous les saints, que la vertu glorieuse et magnifique de tes confesseurs (4) nous sauvent par les heureux mérites de fidèle Ursmer !
Que notre petite troupe, conduite par l’amour de ce dernier, te chante un hymne de mélodieuse louange !
Ainsi tu nous jugeras dignes de ta douce clémence.
Gloire soit au Père, toi Fils unique de Dieu et au Saint-Esprit !
AINSI SOIT-IL !
Commentaires de Michel Albert :
(1) Les Anciens connaissaient des espaces de sept jours (hebdomas) pendant lesquels il fallait particulièrement veiller à ne pas offenser la Divinité. Le mot neptis veut dire aussi bien nièce que petite fille. Allusion au petit troupeau (pusillus grex) des tout premiers disciples. C’est-à-dire de ceux qui te reconnaissent publiquement pour maître.
(2)
(3)
(4)
Brève note relative au village d’Herly/Saint Erme
Dénomintation
Latin : Ercliacum
Français : Herly puis Saint-Ermin (XIIème siècle), puis Saint-Erme. (Dans les manuscrits on ne trouve par d’écriture en ERCRI)
  • Dans les manuscrits de l’abbaye de Lobbes, écrits en latin, on  trouve par exemple, en 864, Ercliacus et, en 869 dans le polyptique de Jean évêque de Cambrai : … « In pago Laudumensil Ercliacus cum appenditiis ejus ultro et rammecurt »… (Traduction : … « Dans le pays de Laon, Saint-Erme avec ses dépendances Outre et Ramecourt » …
  • De même, dans le cartulaire de Vauclerc (1176), le village est dénommé Ercliacum.
  • En français on obtient toujours la traduction Herly  (Herl = seigneur en langue germanique et y = pays)
  • A partir du XIIème siècle, probablement quelques temps après  la translation de 1104 (voir par 44), Herly commence à s’appeler  Saint-Ermin puis Saint-Erme.
Histoire, description
Plusieurs dictionnaires d’archives régionales parlent de Saint-Erme. Voici les indications données par Melleville (= Dictionnaire historique de l’Aisne – Bibliothèque de Laon).
Population :
  • vers 1260 : 70 feux (= familles)
  • 1760 : 200 feux
  • 1800 : 1 478 habitants
  • 1818 : 1 836 habitants
  • 1856 : 1 754 habitants
  • 1861 : 1 693 habitants
Avant l’établissement du village de Saint-Thomas, le camp du «Vieil Laon» était du terroir de Saint-Erme.
En 872, Charles le Chauve donna la dîme d’Herly à l’abbaye Saint Corneil de Compiègne ; en 1194, Guenic, abbé de Lobbes, et Robert de Pierrepont affranchirent les habitants de Saint-Erme, Outre et Ramecourt en leur accordant la charte de Laon à condition de payer une rente annuelle de 40 livres de Reims aux seigneurs de Pierrepont, avoués de Saint-Erme. Ce village possédait jadis une maladrerie.
Elle est la patrie d’Aélide, abbesse de Morienval, morte en 1323 et de Jean-Baptiste-Pierre Aubert, helléniste distingué du XVIIème siècle.
Seigneurs de Saint-Erme, relevant de Montaigu : (écriture ERCRI)
  • 1113 : Blihart d’Ercri
  • 1135 : Etienne d’Ercri
  • 1150 : Foulques d’Ercri
  • 1173 : Raoul d’Ercri
  • 1178 : Jean d’Ercri
  • 1188 : Barthelmi d’Ercri
  • 1200 : Raoul d’Ercri
  • 1210 : Guy d’Ercri
  • 1221 à 1274 : Gérard d’Ercri
  • 1331 : Raoul d’Ercri
  • 1477 : Henri de Hans, seigneur de Saint-Erme
  • 1504 : Claude de Bossut, baron de Sains, seigneur de Saint-Erme
  • 1523 : Guillaume de Grandpré, seigneur de Saint-Erme
  • 1630 : Claude II de Bossut, seigneur de Saint-Erme, abbé de Saint-Crépin
  • 1670 : Guillaume Egon-Langraux, prince de Furstenberg, abbé de Saint-Rémi, seigneur de Saint-Erme
  • 1702 : Charles-François de Miremont, seigneur de Saint-Erme
  • 1787 : (?) Thomas de Miremont
Références bibliographiques
Ouvrages généraux (Histoire mérovingienne et carolingienne)
  • Dictionnaire encyclopédique d’histoire
  • Michel Mourre 8 volumes
  • Dictionnaire Larousse 10 volumes
  • (Généalogie des Mérovingiennes et Carolingiens)
  • Les Carolingiens
  • Pierre Riché – Hachette 1983
  • Atlas historique
  • Larousse 1978
  • Histoire de France
  • V. Duruy 1877
Ouvrages spécialisés
  • Monumenta Germaniae Historica scriptores rerum Merovingicum Passiones vitae que sanctorum acvi merovingici – Krusch et Levison1910 – 1920 – BN casier R
  • Acta Santorum ordinis Sancti Benedicti T III – 1672 par Dom Mabillon – BN casier A2 T III 139-147
  • Acta Sanctorum uigesima Quinta Aprillis (Bollandistes) – BN casier A2
  • Paléographie du Moyen-âge par Jacques Stiennon Bibliothèque de la Faculté des Lettres de Reims réf. 1009 L
  • Recueil des Historiens des Gaules et de la France – 1741 – BN casier Q49
  • Das Nekrologium von dom Racine une die Chronologie des Merovinger Hannover une Lieipzig – 1909 – BN (8° La 5/116)
  • L’abbaye de Lobbes depuis les origines jusqu’à 1200 Tournai – Paris – 1909 (Casterman) par Joseph Warichez BN (8° G 7337)
  • Recueil des travaux publiés par les membres des conférences d’histoire et de philologie (F. Bethune) 24ème fascicule
  • Folcuinus Gesta abbatum Lobiensium par Folcuin – Chronicon Lobiensie BN (G 37-980) Bruxelles : Bibliothèque royale (7814-22) Bibliothèque d’Amiens (MS 799) (manuscrit)
  • Histoire littéraire de la France – Tome VIII – 1865 – BN salle de travail
  • La vie de Saint Ursmer et de sept autres saints – 1628 – BN (M 7996)
  • La plus ancienne vie de Saint Ursmer par Dom G. Morin extrait des Analecta bollandiana – Tome 23 – BN (8° Z 9759-11) – 1904
  • Ein Neuer Hymnus auf Ursmar von Lobbes – extrait de Neues Archiv Tome 30 p 141-151 – 1905 – BN (8° M 364)
  • Chronicon an anno 381 ad 1113 – Vita II Erminonis in Vita Landiberti C.27 (Chronici Vedostini et Sigeberto) – BN (G 3875) – entre 1030 et 1113
  • Revue d’Histoire ecclésiastique – 1933 – Tome 29 p 82 (Louvain) par Gessier
  • Etude critique et littéraire sur les vitae des Saints mérovingiens L. Van der Essen – BN (8° G 7337)
  • Monasticon Belge I par Dom Ursmer Berlière Maredsous 1890 – 1897  BN (4° M 1339) p 201-202
  • Molinier Volume I 1901 p 156 – BN (8° Q 187)
  • Soixante-dix ans d’histoire contemporaine de Belgique par Abbé Sylvain Balau 1889 p 46 à 49 – BN (8° M 6812)
  • Histoire de l’Eglise en Belgique par Edouard de Moreau T I Bruxelles p 160-169 et 171-173 – BN (16° M 263)
  • Catholicisme hier, aujourd’hui, demain Paris 1956 par Marsot  Tome IV coll 390-91
  • Appendix de Aleïs sanctis Laubiensibus saec. VIII (Abele, Amulvino, etc.)  par Mabillon – BN casier A2
  • Lobbes, son abbaye et son chapitre Louvin – 1865 par J Vos – BN (8° M7200)
  • Les légendes hagiographiques par Hyppolyte Delehaye Bruxelles 1905 – BN (8° H 6812)
  • L’abbaye de Vauclair et le prieuré de Saint-Erme  (mémoire de la fédération des sociétés savantes de l’Aisne) Tome XIII  1967 – par le RP Anselme Dimier
  • Les anciennes abbatiales et l’Eglise carolingienne Saint Ursmer de Lobbes par Simon Brigore Tournai 1949
  • Saint Ursmer, sa vie, ses compagnons, ses miracles et son culte  Braine le Comte Bibliothèque privée par Abbé Cl Declèves – 1865
  • Manuscrit 77 Bibliothèque de Verdun (cour de l’Evêché – an 1000
  • La vie des saint et bienheureux par les bénédictins de Paris Lib le Thouzey et Ané 1946 Archives département de l’Aisne – Laon
  • Bulletin de la Société de Géographie de l’Aisne – 3ème trimestre 1910  Saint-Erme (village) – Archives départementales de l’Aisne – Laon
  • Archives parues dans les quotidiens L’Union et L’Aisne Nouvelle sur  Saint-Erme (le Saint et le village) – juin 1966 Archives départementales de l’Aisne – Laon
  • Histoire de l’Evêché de Laon – Archives départementales de l’Aisne – Laon
  • Trésors d’Art et d’Histoire en Thudinie – plaquette 1976
  • Archives du presbytère de la paroisse de Lobbes
  • Les grandes heures d’un village frontière par Marc Blampin (Hirson)
  • Dictionnaire Potthast Historico Med II Acvi – Bibliothèque Nationale
  • Manuscrit de Anson : Handschrift Cöln VI 21 F 248-1