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La Mise au Tombeau de Sissy, par Gérard Monsieur

La chapelle des endormis

Lorsque l’on traverse le village de Sissy, on découvre les vestiges d’une petite église dédiée à Notre-Dame. Trop endommagée au cours de la Grande Guerre, elle n’a pu être reconstruite.

Son origine, que l’on doit à un miracle, remonte probablement à la seconde moitié du XVème siècle (style gothique tardif). Un noble chevalier du nom de Jaspart Alyez, assailli par des brigands, avait imploré le secours de la Vierge. Ceux-ci, l’esprit soudain égaré, s’entretuèrent. Le gentilhomme décida alors de faire élever cet édifice en reconnaissance à sa libératrice.

Cette église fut le lieu de sépulture des seigneurs de Sissy. Au XVIème siècle, l’un d’entre eux fit bâtir, sur le côté sud de la nef, une chapelle pour recevoir une magnifique Mise au tombeau en pierre sculptée. Celle-ci est aujourd’hui déposée dans l’église paroissiale du village.

Ce groupe, sculpté en ronde bosse et exécuté à échelle humaine, est classé monument historique depuis 1907. C’est une œuvre particulièrement intéressante d’autant que c’est la seule Mise au tombeau subsistant dans notre département sur les cinq ayant existé autrefois dont trois à Saint-Quentin et une à Essomes-sur-Marne.

Le thème de la représentation de l’ensevelissement du Christ apparaît seulement au XVème siècle.  La Passion est un sujet favori à cette époque. Les souffrances du Christ ou celles de la Vierge sont considérées comme le reflet de celles des hommes. Si bien que les Saints Sépulcres monumentaux sont chargés d’émouvoir les fidèles et de les préparer à la mort. A Sissy, c’est l’exemple-type avec les sept personnages qui, avec le Christ, compose ce genre de scène impressionnante.

Au premier plan, Joseph d’Arimathie et Nicodème, vieillards barbus, debout aux extrémités du sarcophage, tiennent le linceul où repose le corps du Christ. Leur inclinaison exprime le poids du chagrin qui les accable. Les témoins essentiels du drame sont représentés derrière le sarcophage : la Vierge, saint Jean et les saintes femmes : Marie de Magdala, Marie de Béthanie et Véronique.

Après la Déposition suivie de l’épisode de la Vierge de Pitié et de la scène de l’onction, Marie, le visage marqué d’une profonde tristesse, vit le dernier acte de sa propre Passion et regarde son Fils une dernière fois avant qu’il ne disparaisse dans le tombeau. Le sculpteur a voulu traduire l’intense bouleversement de saint Jean par l’attitude agitée de son corps. Tandis qu’une sainte femme essuie ses larmes, Madeleine, tenant son pot à parfums, regarde le Christ avec compassion. Celui-ci est représenté plus grand que nature et placé de telle façon que sa plaie au côté soit visible des fidèles. Yeux clos, bouche entrouverte, sa tête retombe sur l’épaule et la noble figure exprime encore la souffrance mais, après les outrages de la foule, Jésus repose en paix, entouré de ceux qui l’aiment.

D’autres personnages, assis devant le sarcophage, constituent l’originalité de l’œuvre sculptée de Sissy. Ce sont les trois soldats qui avaient la garde du tombeau mais qui se sont endormis. D’où le nom donné à l’église Notre-Dame de Sissy : la chapelle des Endormis. Ils sont exécutés à une échelle moindre que les autres personnages, non pas parce qu’ils sont moins importants mais pour une raison pratique. En effet, réalisés en taille identique, les gardiens auraient gêné la vue. Dans d’autres Saints Tombeaux sculptés en France, dans la Somme par exemple, les trois soldats sont absents puisqu’ils sont presque toujours représentés au moment de la résurrection du Christ, jour de Pâques, le surlendemain de la Mise au tombeau.

A l’origine, le Sépulcre de Sissy, avec ses statues peuplant le mystérieux clair-obscur d’une petite chapelle, devait frapper l’esprit des fidèles. Aujourd’hui, même baignée par la lumière des vitraux de l’église paroissiale, cette scène de douleur n’en reste pas moins émouvante et il s’en dégage une ambiance mystique très forte.

Gérard Monsieur

(Sources : La mise au tombeau de Sissy – Christine Debrie 1982 ; Mémoires de la Société Académique de St-Quentin 1935 ; Etudes saint-quentinoises – Charles Gomart 1862.)